En dépit des résistances fortes de la part de certains Etats membres, l’Union européenne semble bel et bien décidé à agir contre l’évasion fiscale. Le sujet a été mis au menu des discussions que vont avoir ce samedi, les ministres des Finances ce samedi, prélude à des décisions au plus haut niveau lors du prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernement.
L’image n’est pas fréquente: à l’issue d’une première journée de réunion des ministres des Finances de l’UE à Dublin, six d’entre eux, ceux des principaux pays de l’UE, se sont retrouvés pour une conférence de presse commune pour affirmer leur détermination à s’attaquer au secret bancaire en Europe.
Une demande émanant des 5 premières puissances économiques de l’UE
Quelques heures plus tôt, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, annonçait que l’évasion fiscale figurerait au menu du prochain sommet européen du 22 mai: “Il faut saisir l’élan politique actuel pour traiter ce problème crucial”.
A la suite des révélations du Offshoreleaks sur des détenteurs de comptes dans des paradis fiscaux, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Espagne et l’Italie ont écrit cette semaine à la Commission européenne pour réclamer une nouvelle législation sur le modèle du Fatca américain. La Pologne a rejoint l’initiative vendredi.
Le Facta permet d’obtenir toutes les informations sur tous les comptes bancaires, les placements et les revenus à l’étranger de tous les contribuables américains, va plus loin que les règles actuelles de l’UE. Pour le ministre français de l’Economie et des Finances, Pierre Moscovici, “il y a un vent qui souffle dans l’UE pour lever les opacités, les obstacles que peut receler le secret bancaire”. Les grands pays espèrent rallier à leur cause le reste des 27 pays de l’UE.
Vers un échange d’informations élargi à tous types de revenus du capital
Le ministre allemand, Wolfgang Schäuble, s’est dit “très heureux de cette initiative commune” et a souhaité que cet échange d’informations “soit étendu à tous les types de revenus du capital”. “C’est un projet ouvert, à la fois en termes de contenu et de pays”, a ajouté le ministre espagnol Luis De Guindos, tandis que leur collègue italien, Vittorio Grilli, a dit espérer “créer une dynamique en Europe”.
“Comme pour la taxe sur les transactions financières, comme pour tout ce qui doit être à 27, l’idée c’est de commencer avec un petit groupe, puis ça entraîne le mouvement”, a résumé une source diplomatique européenne, d’autant que ce thème sera aussi abordé lors des prochaines réunions du G8 et du G20.
En Europe, un changement est déjà perceptible: sous pression de ses partenaires européens et surtout des Etats-Unis, le Luxembourg vient d’accepter de lever partiellement le secret bancaire en se ralliant à l’échange automatique de données bancaires pour les particuliers à partir de 2015, notamment sur les revenus de l’épargne.
L’Autriche rappelle que le secret bancaire est inscrit dans sa constitution
Le ministre luxembourgeois, Luc Frieden, n’en a pas moins regretté l’initiative des six pays de l’UE. “Il aurait été préférable que les 27 discutent ensemble de ces questions”, a-t-il souligné vendredi 13 avril à Dublin. “Je ne pense pas qu’il soit bon que certains, pour des raisons de politique intérieure, prétendent aller plus vite que les autres”.
Un seul bastion résiste encore : l’Autriche. Le chancelier social-démocrate Werner Fayman s’est dit prêt à négocier la levée du secret bancaire pour les résidents étrangers, mais sa ministre des Finances, la conservatrice Maria Fekter, assure que Vienne “tiendra bon sur son secret bancaire”, en rappelant qu’il est inscrit dans la Constitution.
Quant à la solution qui consisterait à abandonner la règle de l’unanimité en Europe pour les questions fiscales, elle “nécessiterait un changement de traité”, toujours délicat, a fait valoir Wolfgang Schäuble.
Londres assure négocier avec les îles Caïmans et les autres “paradis” sous sa juridiction
Sans surprise, Maria Fekter a invité l’UE à “assécher les vrais paradis fiscaux dans la sphère de l’UE”. Et de pointer du doigt le Royaume-Uni, qui “a de nombreux paradis fiscaux sous sa juridiction directe”: “les îles anglo-normandes, Gibraltar, les îles Caïmans, les îles Vierges” britanniques, qui sont selon elle “les vrais points chauds du blanchiment d’argent et de l’évasion fiscale”.
Le ministre britannique, George Osborne, signataire de la lettre des Six, a reconnu que combattre l’évasion fiscale était “un défi”, tout en estimant que les endroits permettant d’échapper à l’impôt “sont de plus en plus rares et de plus en plus petits”. Il a souligné que son gouvernement négociait avec les territoires en question pour tenter de les convaincre de mettre fin à l’opacité bancaire.
Challenges.fr – Toute l’actualité de l’économie en temps réel