Le Pentagone vient ainsi d’indiquer que, selon lui, les troupes de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest étaient « totalement incapables » de mener des combats face aux groupes terroristes du nord-Mali. Histoire de « motiver » à sa manière une future intervention US sur le territoire malien.
L’enjeu ? Les ressources – très convoitées – du sol et du sous-sol malien tels que pétrole, gaz, or et uranium.
« A ce stade, les forces de la Cedeao ne sont capables de rien », estime ainsi Michael Sheehan, un des hauts responsables du Pentagone … tout en affirmant que cette situation « doit changer ».
Depuis le début des opérations militaires au Mali, les Etats-Unis ont toujours fortement douté des capacités des forces de la Cedeao, composées de 4 300 hommes, à mener à bien leur mission sur place. Les chefs d’Etats de l’organisation ouest-africaine avaient notamment été critiqués pour la lenteur du déploiement de leurs forces dans le nord-Mali. Fin février, le président tchadien, Idriss Deby les avait sommé d’accélérer l’envoi de leur militaire sur le champ de bataille.
Précisons que la France a pour sa part désengagé une centaine d’hommes. L’Onu a prévu quant à elle de déployer 11 200 casques bleus.
Rappelons à toutes fins utiles qu’en février dernier, le sénateur américain Chris Coons, président de la sous-commission des Affaires étrangères du Sénat américain pour l’Afrique, a déclaré à Bamako (capitale du Mali) que les Etats-Unis allaient jouer un rôle militaire plus actif dans le pays. Tout en ajoutant qu’une telle implication n’interviendrait qu’après la tenue d’élections au Mali.
Reste, que selon Chris Coons, les Etats-Unis ne peuvent pas coopérer directement avec l’armée malienne tant qu’un gouvernement démocratiquement élu n’aura pas remplacé les dirigeants actuels, lesquels ont accédé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat. Une manière comme une autre de forcer la main, Washington pouvant être enclin à influencer le choix d’un candidat …
Reste que l’éventualité d’une aide militaire US de plus grande ampleur, et qui plus est, conditionnée par des élections, complexifie le choix d’une date de scrutin. Simple hasard ? Le nouveau discours US retarde donc dans les faits un retour à un embryon de stabilité au Mali.
Rappelons à toutes fins utiles, qu’en janvier dernier, le New York Times indiquait que trois des quatre unités d’élite maliennes à commandement touareg formées par les États-Unis dans les années 2000 étaient passées dans le camp des rebelles lors du conflit de 2012.
Nous apprenions ainsi que les Etats-Unis avaient « investi » dans la formation de militaires maliens, lesquels – ironie de l’histoire ou ultime étape d’un plan US proche d’une stratégie du chaos ? – ont retourné leur treillis pour désormais affronter les forces militaires du Mali.
Pas étonnant en sorte, que l’armée française trouve les rebelles fort bien entraînés … tirant ainsi – sans le vouloir ou dans un message de « reconnaissance » à peine voilée – un formidable coup de chapeaux aux instructeurs américains.
Rappelons en effet que durant les années 2000, et au début des années 2010, des militaires maliens ont été entraînés par des instructeurs américains dans le cadre de l’opération Enduring Freedom – Trans Sahara (OEF-TS ). Opération militaire conduite par les États-Unis et d’autres pays partenaires dans la région du Sahara/Sahel en Afrique, ayant pour but officiel de mener des actions de contre-terrorisme et à réguler le trafic d’armes et le trafic de drogues en Afrique centrale. Autre élément du dispositif : la Joint Task Force Aztec Silence (JTF Aztec Silence), organisation inter-armées dont le but est d’effectuer les missions et de remplir les objectifs de l’OEF-TS.
Précisons que la JTF est dans un premier temps une composante du United States European Command (EUCOM). Mais suite à l’annonce en septembre 2007, de la création du United States Africa Command (US AFRICOM), sa mission passe sous la responsabilité de ce dernier.
En 2007, le Congrès des États-Unis décide d’allouer la somme de 500 millions de dollars à la Trans-Saharan Counterterrorism Initiative (TSCTI) pour les six années à venir, afin – officiellement – de soutenir financièrement les États africains impliqués dans la lutte antiterroriste contre Al-Qaïda que sont l’Algérie, le Tchad, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Nigéria, et le Maroc. Ce programme s’appuie notamment sur l’ancien Pan Sahel Initiative (PSI), plan achevé en décembre 2004 et qui s’était focalisé sur les trafics d’armes et de drogues, ainsi que le contre-terrorisme.
En 2009, RFI indiquait pour sa part qu’à Gao, dans le nord du Mali, des militaires américains se trouvaient à pied d’oeuvre pour former leurs collègues maliens. But officiel : renforcer la capacité de l’armée malienne à lutter contre l’insécurité et le terrorisme, en vue notamment de chasser l’organisation al-Qaïda au Maghreb islamique de la région. Cette dernière ayant revendiqué le rapt du Français Pierre Camatte et de trois Espagnols enlevés fin novembre 2009, respectivement au Mali et en Mauritanie .
Les forces spéciales américaines entraînaient alors plus de deux heures par jour les troupes maliennes, notamment aux techniques de combat dans le désert et à des séances de tir …. précisait RFI. « Pour tous, les Américains ne le cachent pas, il s’agit de former des troupes d’élite afin de lutter contre les ennemis communs dans la bande sahélo-saharienne. » ajoutait le journal. Indiquant alors que si Washington n’avait pu à cette date s’installer militairement dans la zone, il avait « décidé de donner les moyens à ses partenaires ».
Mais désormais, donc, selon le NYT, trois des quatre unités d’élite maliennes à commandement touareg formées par les instructeurs US seraient passées de l’autre côté du miroir.
Rares journaux français à reprendre cet article du NYT, le Canard Enchaîné et Libé nous indiquaient quant à eux que plusieurs unités d’élite ont été formées avec l’aide des américains, avant de rejoindre l’insurrection nordiste l’an dernier. En 2012, trois commandants sur quatre formés par les Etats-Unis à la tête d’unités d’élites engagées au Nord-Mali se sont ainsi ralliés aux islamistes. Tout « en apportant avec eux leurs troupes, leurs armes, leurs véhicules et leur expertise tout juste acquise au plus fort de la bataille », selon les dires d’officiers supérieurs maliens. Un officier supérieur indiquant en effet que lesdits commandants ont « été suivis par 1600 soldats ayant fait défection de l’armée malienne ». Libé tient également à rappeler à l’occasion que le capitaine Sanogo, auteur du coup d’Etat de mars dernier au Mali, avait bénéficié d’une formation de plusieurs années aux Etats-Unis.
«Je ne pense pas que les Etats-Unis sont co-responsables de la situation au Mali », tente toutefois de nuancer aujourd’hui Witney Schneidman, analyste à la Brookings et ancien secrétaire d’Etat adjoint aux affaires africaines. Si cela semble tellement évident … pourquoi est-il besoin de le préciser ?
Reste, qu’au final, tout comme le 11 septembre avait permis de justifier une surveillance accrue au nom de la chasse aux terroristes, l’épopée des rebelles touaregs et des djihadistes maliens et des terroristes sévissant en Algérie aura permis ni plus ni moins de justifier à sa manière l’installation d’une base militaire US en Afrique via l’Africom (commandement américain pour l’Afrique). Le tout assorti d’envois de drones pour pouvoir surveiller l’Afrique du Nord et le Sud Algérien. Pour le moins édifiant …. Une information relayée elle aussi par le quotidien américain New York Times et confirmée par Reuters.
Plus de 300 personnels de l’Africom devraient ainsi s’installer prochainement dans la région du Sahel, voire plus précisément au Niger, pays pour le moins stratégique pour le groupe nucléaire français Areva, ce dernier exploitant un important site d’extraction d’uranium sur son territoire. Selon le NY Times, des drones Predator seront ainsi chargés d’effectuer des missions de surveillance dans la région «afin de combler le manque d’informations plus détaillées sur un certain nombre de menaces régionales dont celles relatives aux groupes terroristes activant dans le nord du Mali et au flux de combattants et d’armes en provenance de Libye».
L’Africom envisagerait par ailleurs l’établissement d’une base de drones au nord-ouest de l’Afrique afin nous dit-on d’augmenter les missions de surveillance des groupes extrémistes. Si les drones de surveillance seraient dans un premier temps non armés, des responsables militaires américains n’excluent pas toutefois le recours à des tirs de missiles «en cas d’aggravation de la menace».
Des autorités nigériennes, sous couvert de l’anonymat, ont par ailleurs confirmé à Reuters que le Niger venait de donner son accord pour l’implantation d’une base aérienne américaine sur son territoire. Mahamadou Issoufou, président nigérien, ayant récemment exprimé sa volonté de mettre en place une relation stratégique à long terme avec les Etats-Unis».
Les drones seront positionnés dans le nord du Niger, dans la région désertique d’Agadez, à la frontière avec le Mali, l’Algérie et la Libye, avait par ailleurs indiqué la même source à l’agence Reuters. « Cela est directement lié à l’intervention militaire au Mali, mais il pourrait aussi donner à l’Africom une présence plus durable pour les missions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR)», ont justifié quant à eux les militaires US, précise pour sa part le NY Times.
Mais quel serait le but final me direz-vous ? Evitez – notamment – que le Sahel – via les ressources du bassin de Taoudeni – ne devienne à terme une importante région de production de gaz naturel, situation qui, le cas échéant, plomberait les cours via une hausse de l’offre, tout en limitant les clients potentiels des majors pétrolières US ? Qui sait ….
Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 10 avril 2013
Sources : Afrik.com, RFI, AFP, Reuters, NYT, Allafrica.com, www.lexpressiondz.com, Afriquejet.com , La Tribune (Algérie)