Aranud Lagardère est en passe de gagner son ultime combat : sortir par le haut de la grave crise de gouvernance qui bouleverse depuis plus d’un an le groupe qui porte son nom. Et hypothèque sérieusement son avenir personnel. Une réunion du conseil de surveillance du groupe Lagardère devrait avaliser, lundi 26 avril, la fin de la commandite Lagardère Capital & Management (LC&M) qui permettait au fils de Jean-Luc Lagardère de continuer à verrouiller le contrôle de l’entreprise avec seulement 7,3% du capital. L’opération était réclamée par deux puissants actionnaires : le fonds britannique Amber présent au capital depuis plusieurs années et qui en détient aujourd’hui 20%. Ainsi que le groupe Vivendi, principal actionnaire avec 26% des actions, et dont l’actionnaire principal, Vincent Bolloré ne cache pas son intérêt pour une large partie de l’empire : Hachette Livre, numéro trois mondial de l’édition et l’activité médias (Europe 1, le Journal du dimanche, Paris-Match…). En contrepartie, selon diverses sources, Arnaud Lagardère obtiendrait plusieurs garanties importantes : le versement de 10 millions d’actions qui, au cours de ces trois derniers mois, seraient valorisées entre 220 et 240 millions d’euros ; le poste de PDG du groupe jusqu’en 2026 ; et la promesse que le groupe ne sera pas démantelé.
“Ami du père”
“Ami du père”
Les avocats des principales parties concernées travaillent d’arrache-pied pour aboutir à un accord final d’ici la tenue du conseil. Mais la fin programmée de la commandite ne règle pas tout. Au contraire, de nombreuses d’ombre demeurent. A commencer par la position du patron du groupe LVMH, Bernard Arnault. “Ami du père”, celui-ci est venu au secours du fils, l’été dernier, pour contrer l’offensive du fonds Amber et les intentions cachées de Vincent Bolloré. Mais surtout pour éviter à Arnaud Lagardère de tout perdre en cas de faillite personnelle. En injectant près de 100 millions d’euros pour 27% de la commandite LC&M, l’homme d’affaires avait en effet permis à Arnaud Lagardère de faire face à son important endettement personnel : environ 165 millions d’euros contractés auprès du Crédit Agricole. Bernard Arnault détient également 7,5 % du capital du groupe Lagardère. Et il pourrait ne pas trouver son avantage dans ce traité de paix.
“Bernard Arnault ne perd jamais financièrement”, commente un bon connaisseur du dossier. Mais il a payé cher son entrée dans LC&M et il lui sera difficile de réaliser une plus-value sur la fin de la commandite. Traité de la même manière qu’Arnaud Lagardère, il récupérerait près de 3,7 millions d’actions valorisées environ 85 millions d’euros. Peu ou prou ce qu’il avait investi l’an dernier, quand l’action valait moins de 14 euros, contre près de 23 actuellement. Souhaite-t-il se renforcer au capital de Lagardère et attendre son heure ? Beaucoup lui prête surtout l’intention de vouloir mettre la main sur les titres de presse du groupe, à commencer par le Journal du dimanche. Pas sûr que ce deal là soit prioritaire actuellement. Mais il est peu probable que le patron de LVMH refuse d’entériner la fin de la commandite. “Il ne sera pas le mauvais joueur, estime l’un des protagonistes. Et si cela se terminait mal pour lui, la vengeance est un plat qui se déguste froid…”
Démantèlement du pôle médias
Pour autant, Bernard Arnault pourrait obtenir satisfaction dans le cadre d’un démantèlement du pôle médias. Arnaud Lagardère a plusieurs fois indiqué que l’activité n’était plus au cœur des priorités du groupe désormais recentré sur ses deux pôles : travel retail et édition. Et Vincent Bolloré a clairement indiqué que la station Europe 1 serait très complémentaire avec sa chaîne de télévision CNews.
Au-delà de l’incertitude sur le sort du pôle médias, c’est l’intégrité même du groupe qui pose question. Devenu un actionnaire comme les autres d’une entreprise normalisée, Arnaud Lagardère n’aura pas le même pouvoir dans le cadre d’une recomposition de l’actionnariat. Le fonds Amber et le fonds souverain du Qatar, toujours présent à hauteur de 15% voudront probablement se désengager. Comment se composera le prochain tour de table et comment se construiront les nouveaux rapports forces ? Quel accord pourrait garantir sur le long terme l’intégrité d’un groupe dont les deux principales activités ne dégagent aucune synergie ? Et quelle entreprise garantirait à un homme son fauteuil de PDG pour les cinq prochaines années ?
C’est à toutes ces questions que doivent réfléchir les différents protagonistes du dossier Lagardère. La fin de la commandite leur offre une infinité de possibilités. Seule certitude : la fin de l’empire de Lagardère est proche.