La Bourse de Paris a perdu son statut de plus grand marché d’actions européen au profit de Londres, moins de deux ans après avoir détrôné la capitale britannique. Cette évolution survient dans un contexte politique agité en France, marqué par l’annonce surprise d’élections législatives anticipées par le président Emmanuel Macron.
La semaine dernière, cette nouvelle a provoqué une onde de choc sur les marchés financiers français, entraînant une chute de la capitalisation boursière d’environ 258 milliards de dollars. Les banques, particulièrement exposées à la dette publique, ont été fortement impactées. Société Générale, BNP Paribas et Crédit Agricole ont vu leurs actions plonger de plus de 10% chacune.
Actuellement, la valorisation totale des entreprises françaises cotées atteint 3,13 billions de dollars, légèrement en deçà des 3,18 billions de dollars du marché britannique, selon les données compilées par Bloomberg. L’indice CAC 40 a effacé tous ses gains de 2024, contrastant avec les records atteints il y a un mois.
Alberto Tocchio, gérant de portefeuille chez Kairos Partners, souligne l’incertitude qui règne pour les prochaines semaines, prévoyant une possible instabilité accrue du marché.
Pendant ce temps, le Royaume-Uni bénéficie d’un regain d’intérêt des investisseurs. Plusieurs facteurs y contribuent : l’amélioration de la croissance mondiale, la reprise des fusions-acquisitions et des perspectives électorales perçues comme plus stables, avec une avance confortable du parti travailliste dans les sondages.
Ulrich Urbahn, responsable de la stratégie multi-actifs chez Berenberg, met en avant l’attrait des actions britanniques, citant des valorisations intéressantes et un profil sectoriel attractif. Il note également que l’incertitude politique semble actuellement plus élevée ailleurs.
L’indice FTSE 100 a atteint des sommets historiques cette année, porté par des valeurs exportatrices comme Shell et Unilever. Sa performance sur les trois derniers mois surpasse largement celle de l’Euro Stoxx 50, avec des entreprises comme Rolls-Royce enregistrant des gains significatifs.
En France, les stratégistes de marché restent prudents quant à un retour massif sur les actions, en raison des incertitudes liées aux finances publiques et aux orientations politiques. Outre les banques, les opérateurs autoroutiers comme Vinci et Eiffage ont vu leurs cours chuter, face aux craintes d’une éventuelle renationalisation des autoroutes en cas de défaite du parti présidentiel.
Cette situation intervient alors que les valeurs du luxe, poids lourds de la cote parisienne, subissaient déjà des pressions liées à une reprise inégale en Chine.
Emmanuel Cau, stratégiste chez Barclays, estime qu’il n’y a pas d’urgence à acheter dans ce contexte politique inhabituel et à haut risque médiatique. Les deux tours de l’élection sont prévus les 30 juin et 7 juillet.
Malgré ces turbulences, le CAC 40 a rebondi de 0,5% lundi, surperformant légèrement le Stoxx Europe 600 (+0,3%).
Les investisseurs gardent également un œil attentif sur le Royaume-Uni. L’élection du 4 juillet pourrait marquer le plus grand bouleversement politique depuis le Brexit. Le nouveau gouvernement disposera d’une marge de manœuvre budgétaire limitée et fera l’objet d’une surveillance accrue des marchés obligataires.
Il convient de noter que le marché boursier britannique accuse un retard de performance par rapport à ses homologues américains depuis plusieurs années. De plus, des investisseurs activistes font pression pour que certaines entreprises britanniques s’inscrivent à la cote new-yorkaise.
Cette reconfiguration du paysage boursier européen souligne la sensibilité des marchés financiers aux événements politiques et économiques. Elle met en lumière l’importance de la stabilité institutionnelle pour attirer et retenir les investisseurs internationaux. Les prochaines semaines seront cruciales pour déterminer si Paris pourra reconquérir sa position de leader ou si Londres consolidera son avantage nouvellement acquis.
