« Confrontés à une dépossession de leurs images par les opérateurs de l’Internet, les photojournalistes peuvent-ils être encore garants du pluralisme ? »
Un thème aussi éthique que financier … qui démontre également l’enjeu que revêt pour la démocratie une presse diversifiée alors que lobbies et mega trusts sont tentées de faire leur loi, de dicter leurs messages, voire de nous manipuler via une forme de pensée unique. A moins que cela ne soit jamais fait.
Le risque ? Que ne se développe à terme une sorte de dictature de l’information, dont le but ultime serait de servir les intérêts des multi-nationales et des financiers qui en tirent les ficelles.
Un sujet, donc, loin d’être anodin, qui nous plonge dans les affres d’un monde évoqué par Jean-Christophe Rufin dans son livre Globalia, sur lequel nous reviendrons prochainement.
Constatant que paradoxalement, depuis plus de dix ans, la valeur de la photographie n’a cessé de décroître alors que le monde dans lequel nous vivons nous abreuve voire nous bombarde d’images, Olivier Brillanceau et Pierre Garçon, hauts responsables de la SAIF, s’alarment de la mise en place de cette « nouvelle économie » qui participe selon eux à « une banalisation de l’image et à une expropriation de son auteur », et finalement à un déni du travail des photojournalistes.
Pour tenter de comprendre quelles sont les causes à l’origine de ce phénomène, plusieurs pistes ont été invoquées : l’émergence d’Internet, la diffusion par des acteurs du marché de l’image de photographies à bas prix. La mise à disposition gratuite au public d’œuvres par des acteurs du Net.
Selon eux, cette « captation » de valeur par « des gens qui ne produisent pas » prive les créateurs de leur activité. Pire encore, à ce compte, les nombreux diplômes issus de brillantes écoles risquent de se retrouver sans avenir … et le secteur privé de l’esprit critique – voire moins docile – de la jeunesse.
L’absence de pluralisme liée à la concentration du pouvoir financier pourrait si nous n’y prenons garde nous condurie vers une « unicité et uniformisation de l’illustration et des témoignages », pour ne pas dire pensée unique … aux frontières de la dictature. Dictature financière, certes, mais dictature tout de même, faisant de nous des consommateurs, et électeurs manipulés par les medias de masse aux services des intérêts d’un petit nombre d’acteurs très puissants.
Le danger est d’ores et déjà à nos portes puisque la baisse des budgets publicitaires des entreprises a conduit à une diminution des commandes auprès des photo-journalistes. Désormais, notent les organisateurs de la conférence, « la plupart des grands conflits ne sont couverts uniquement que par quelques grandes agences ». Sans aucune garantie d’objectivité … et alors même que parmi l’une de ces sociétés figure Getty Images … détenu en grande partie par Carlyle, le sulfureux fonds de pension US.
Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 10 septembre 2014
Crédits Photos : Elisabeth STUDER
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