PARIS, 5 décembre (Reuters) – Le gouvernement envisage de réformer le mode de revalorisation du smic sans pour autant renoncer à son automaticité ou faire nécessairement totalement siennes les propositions d’un groupe d’experts qui suscitent l’inquiétude des syndicats.
Dans un rapport transmis aux partenaires sociaux, ces économistes chargés d’éclairer le gouvernement sur l’évolution du smic remettent en cause la revalorisation automatique du salaire minimum et plaident pour une désindexation.
Ils recommandent au gouvernement de s’abstenir de tout “coup de pouce” au smic le 1er janvier 2018, pour tenir compte des “fragilités” de l’économie française, mais vont bien au-delà.
“Le smic est un outil peu efficace pour lutter contre la pauvreté”, écrivent-ils. Pour ces économistes une hausse du smic n’a que peu d’effet sur le revenu des ménages les plus modestes, dont la situation est, selon eux, plus la conséquence de la faiblesse de leur temps de travail que du salaire horaire.
La revalorisation automatique du smic repose en France sur l’inflation et l’évolution du pouvoir d’achat du salaire horaire de base des ouvriers et employés (SHBOE).
Le groupe d’experts propose de supprimer au moins la règle de l’indexation obligatoire sur la moitié du gain de pouvoir d’achat du SHBOE, voire ces deux critères.
Supprimer toute règle d’indexation obligatoire “présente l’avantage de pouvoir maîtriser les hausses du salaire minimum dans les phases basses du cycle économique afin de préserver les emplois et d’allouer éventuellement plus de ressources aux mécanismes de lutte contre la pauvreté”, disent-ils.
LE GOUVERNEMENT ATTACHÉ À UNE PROGRESSION AUTOMATIQUE
Ils font valoir que l’une ou l’autre de ces réformes rapprocherait la France de “la très grande majorité des pays développés où existe un salaire minimum national”.
“Les deux options de réformes laisseraient plus de marge de décision aux pouvoirs publics concernant la revalorisation du smic”, ajoutent-ils. “Elles renforceraient également le rôle de la négociation collective.”
Pour eux, l’augmentation du niveau de vie des ménages pauvres doit “prioritairement reposer sur des mesures permettant une augmentation de la durée du travail” et “une revalorisation de la prime d’activité est plus efficace qu’une augmentation du smic pour lutter contre la pauvreté”.
L’entourage de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a pour sa part rappelé qu’il s’agissait d’experts “indépendants”.
Les règles d’indexation “visent légitimement à préserver le pouvoir d’achat des travailleurs au smic” et “le gouvernement est attaché au principe d’une progression automatique” de ce salaire minimum, a-t-on déclaré à Reuters au ministère.
Mais on ajoute de même source que les propositions du rapport “s’intègreront dans les réflexions en cours” sur le partage des fruits de la croissance et de la valeur ajoutée et sur une plus grande convergence fiscale et sociale en Europe.
Le premier de ces deux chantiers devrait ainsi trouver une concrétisation dans le projet de loi du ministre des Finances, Bruno Le Maire, sur les entreprises, qui pourrait notamment étendre la participation et l’intéressement dans les PME.
Bruno Le Maire et Muriel Pénicaud reçoivent mercredi les partenaires sociaux à Bercy pour en parler.
DES PROPOSITIONS DÉNONCÉES PAR LES SYNDICATS
Le gouvernement envisage donc bien une réforme du mode de revalorisation du smic mais entend garder à celle-ci une forme d’automaticité, donc sans nécessairement reprendre la totalité des propositions du groupe d’experts.
Des propositions dénoncées notamment par Force ouvrière, la CGT et la CFDT.
Dans un communiqué, FO rappelle avoir lancé une mise en garde contre sa nouvelle “composition monocolore relevant du libéralisme économique” du groupe d’experts.
Le résultat ne s’est pas fait attendre, ajoute ce syndicat, qui estime que retenir ses propositions serait “serait une faute économique et sociale lourde de sens, accentuant l’image d’un gouvernement des riches”.
La CGT dénonce pour sa part un “rapport explosif pour dynamiter le smic” et assure qu’elle “ne laissera pas faire”.
“La CGT (..) n’acceptera nullement que ces préconisations soient traduites dans le futur projet de loi ‘croissance des entreprises’, par exemple”, lit-on dans son communiqué.
De son côté, la CFDT juge inenvisageable de “supprimer l’ensemble des variables de revalorisation automatique” du smic mais estime aussi que la question du salaire minimum “cache les véritables problèmes des salariés”.
“Pour la CFDT, le chantier prioritaire porte sur la revalorisation des bas salaires et sur les évolutions professionnelles et salariales”, ajoute ce syndicat.
L’entourage de Muriel Pénicaud précise pour sa part que le niveau de la prochaine revalorisation du smic sera annoncé d’ici le 20 décembre et que cette revalorisation s’ajoutera aux mesures déjà prises pour que “le travail paie davantage”. (Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)