Le Conseil d’Etat a condamné mercredi l’Etat à payer 10 millions d’euros pour n’avoir pas pris les mesures “suffisantes” pour améliorer la qualité de l’air. La somme, la plus élevée jamais imposée pour contraindre l’Etat à appliquer une décision de la justice administrative, reflète le manquement répété des gouvernements successifs à exécuter entièrement les injonctions de la plus haute juridiction administrative française. La première décision dans cette affaire, emblématique d’un fléau qui fait 40.000 morts par an en France, remonte à juillet 2017.
“Si des mesures ont été prises, le Conseil d’État estime aujourd’hui qu’elles ne permettront pas d’améliorer la situation dans le délai le plus court possible, car la mise en oeuvre de certaines d’entre elles reste incertaine et leurs effets n’ont pas été évalués”, a indiqué dans un communiqué la plus haute juridiction administrative française, de plus en plus active en matière environnementale.
En juillet 2020, le Conseil d’Etat avait ordonné au gouvernement d’agir pour améliorer la qualité de l’air dans plusieurs zones de France, avant de lui infliger une astreinte. C’est chose faite un an plus tard. En général les astreintes sont versées au budget de l’Etat, mais l’Etat étant lui-même le débiteur dans cette affaire, les juges ont innové en matière de bénéficiaires.100.000 euros de ces 10 millions vont à l’association Les Amis de la Terre – qui avait saisi le Conseil d’Etat sur cette question en 2017. Le reste de l’astreinte est réparti entre plusieurs organismes et associations engagés dans la lutte contre la pollution de l’air pour le surplus: 3,3 millions d’euros versés à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), 2,5 millions d’euros pour le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, 2 millions d’euros à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail), 1 million pour à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques. Enfin d’autres bénéficiaires toucheront une partie de cette condamnation: Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes récupèrent 350.000 euros et enfin Atmo Occitanie et Atmo Sud 200.000 euros chacun.
Les seuils limites de pollution toujours dépassés dans 5 zones
Aujourd’hui, les seuils limites de pollution de l’air sont toujours dépassés dans 5 zones où le Conseil d’Etat réclame des actions supplémentaires (Paris, Lyon, Marseille-Aix, Toulouse et Grenoble). “Les données provisoires fournies par les parties pour 2020 indiquent que les dépassements persistent pour Paris et Lyon et que les taux ne sont que légèrement inférieurs aux seuils limites pour les trois autres zones, alors même que plusieurs sources de pollution, notamment la circulation routière, ont été très fortement diminuées avec les mesures prises pour faire face à la crise sanitaire”, indique le Conseil d’Etat dans son communiqué. Les mesures prises par le gouvernement devraient avoir des effets positifs sur la qualité de l’air mais “des interrogations demeurent pour plusieurs d’entre-elles”.
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Le Conseil d’Etat réexaminera début 2022 les actions de l’Etat français pour la période de juillet 2021 à janvier 2022 et pourra ordonner de nouveau le paiement d’une astreinte si les mesures ne sont toujours pas suffisante. Enfin, cette condamnation fait suite à une autre décision “historique” du Conseil d’Etat, reflétant la multiplication des actions en justice à travers le monde pour demander aux Etats et aux entreprises à en faire plus pour protéger la planète. Le 1er juillet, les juges ont ainsi donné à l’Etat neuf mois pour prendre des mesures supplémentaires contre le réchauffement. A l’issue de cette période, s’ils estimaient que les mesures sont toujours insuffisantes, ils pourraient là aussi imposer une astreinte financière.
(Avec AFP)