Dès l’annonce de la libération des otages français, le patron du groupe énergétique a tenu à montrer sa joie, nous dit-on. Tout en se préparant à décoller, accompagné du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, à destination de Yaoundé, la capitale camerounaise pour y accueillir la famille française qui vient d’être libérée.
« C’est un moment de soulagement, et de grand bonheur. Après deux mois d’absence très angoissantes, nous ne pouvons que nous réjouir collectivement », a-t-il ajouté. « Nous n’étions pas associés aux négociations mais nous savions que les autorités françaises étaient très actives. », a-t-il précisé. Concernant les conditions de la libération, Gérard Mestrallet a déclaré ignorer « s’il y a eu contrepartie ».
Mais pourquoi tant d’honneur me direz-vous ? … certes, avec un peu de recul.
Ce que la plupart de la « grande presse » « oublie » de vous dire … c’est que le « touriste » enlevé au Cameroun n’a pas été « victime du hasard » … loin s’en faut … Alors que le projet « Cameroon GNL », pour lequel GD-Suez emploie Tanguy Moulin-Fournier, pourrait faire du Cameroun une nouvelle puissance sur l’échiquier énergétique mondial. Menaçant – tout comme les richesses en hydrocarbures du Mali et de l’Algérie – de faire baisser les cours mondiaux de gaz, une offre pléthorique pouvant conduire à terme à faire chuter les revenus des majors pétrolières US de manière non négligeables.
Rappelons ainsi pour appréhender l’ampleur de la situation et les enjeux associés que Tanguy Moulin-Fournier – que l’on voudrait nous faire passer comme un simple touriste, certes employé dans une importante entreprise française– est l’un des stratèges de GDF Suez engagé dans la liquéfaction du Gaz naturel au Cameroun. Directeur adjoint de la stratégie, il est notamment chargé des relations extérieures dans la filiale de GDF-Suez qui développe à Kribi, un projet de liquéfaction de gaz naturel. Le groupe français agissant en partenariat avec la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH), compagnie pétrogazière publique. Ce qui peut expliquer au passage l’intérêt de l’Etat camerounais pour obtenir sa libération.
Lors du forum économique Cameroun-France tenu le 31 janvier 2013 au Pavillon Gabriel à Paris sous l’égide du Medef, GDF Suez avait résumé le sens de l’investissement que l’entreprise française réalisait dans le cadre de son projet Cameroon LNG. Rappelant que la capacité de production de l’usine de liquéfaction du gaz naturel liquéfié issu du bassin Campo-Kribi-Limbé pourrait atteindre jusqu’à 3,5 millions de tonnes de GNL par an pour le premier train.
Ce projet permettrait notamment de valoriser le gaz naturel du Cameroun, non encore exploité à ce jour. Lequel serait transporté via un réseau de gazoducs jusqu’à l’usine de Kribi, où il serait ensuite liquéfié avant d’être exporté par bateaux.
En novembre 2012, l’administrateur directeur général de la Société nationale des hydrocarbures (SNH/ Cameroun), Adolphe Moudiki, le président de GDF Suez LNG (France), Philip Olivier, le vice-président de Noble Energy (USA) Cameroon Limited, Gene Komegay, et le président de Petronas Carigali Overseas (Malaisie), Datuk Mohd Anuar Taib, ont signé un accord de principe pour la vente et l’achat de gaz naturel destiné au projet Cameroon LNG et pour les principes de développement du projet.
Le texte contient les principes qui régiront la vente à Cameroon LNG de gaz naturel produit par Noble Energy (USA) – par ailleurs partenaire d’Israël pour l’exploitation des champs gaziers de Leviathan au large de Chypre – et Petronas Carigali (Malaisie) à partir d’un gisement situé au Cameroun, ainsi que les principes généraux de développement de Cameroon LNG. Les parties confirmaient alors leur volonté de poursuivre leur coopération dans le développement de ce projet, avec pour objectif la signature ultérieure de contrats commerciaux définitifs.
Suite à la mise à disposition d’un site de 470 hectares par l’État pour Cameroon LNG, les études menées conjointement par SNH et GDF Suez (avec Foster Wheeler) ont été conclues en mai 2011. A l ’heure actuelle, les promoteurs conduisent les études d’impact environnemental et social, ainsi que les différentes campagnes de mesures sur site. Cet accord vient compléter les préaccords commerciaux déjà signés en 2011 par la SNH et GDF Suez avec Perenco et Euroil sur le même objet. La signature de pré-accords commerciaux avec d’autres opérateurs de l’amont pétrolier et gazier au Cameroun devrait se poursuivre, au fur et à mesure de l’avancée des négociations entre GDF Suez, la SNH et ces derniers.
Si l’on en croit un document de GDF Suez, en ouvrant la voie à l’exploitation des ressources camerounaises en gaz naturel, le projet pourrait être l’investissement privé le plus important du Cameroun, susceptible d’offrir au pays une source de revenus stables pour plusieurs décennies.
De quoi motiver des interventions diplomatiques … aux implications financières … et le déplacement de Mestrallet en personne.
Sources : Cameroonvoice.com, AFP, GDF-Suez, African Business, RTL.fr
Elisabeth STUDER – www.leblogfinance.com – 19 avril 2013 –