Les amateurs de sensations fortes et autres frissons osent passer à l’action à la veille de la Toussaint. Pendant du célèbre adage “sell in May”, le “Halloween Indicator” implique que la période de novembre à avril offre le plus fort potentiel de hausse sur les marchés financiers.
Des bonbons et autres douceurs sucrées, un déguisement et un bon film d’horreur, voici l’attirail classique pour passer une bonne soirée d’Halloween. Pour les investisseurs, le kit se garnit d’un portefeuille d’actions bien choisi. Acheter des actions à la veille de la Toussaint pour les vendre six mois plus tard génère une performance anormalement élevée, tandis que la période de mai à octobre aboutit la plupart du temps à une performance sinon négative, du moins significativement inférieure au rendement des actifs sans risque.
Les marchés boursiers ne seraient pas les seuls à être hantés par l’esprit d’Halloween, le cours du bitcoin a lui aussi progressé à chaque veille de Toussaint depuis trois ans.
Une épine dans le pied de l’hypothèse d’efficience des marchés
La question peut paraître triviale, pourtant elle contredit le coeur de la théorie moderne des marchés financiers : l’hypothèse d’efficience qui voudrait qu’aucune martingale ne permette de battre les indices sur la durée, c’est-à-dire d’enregistrer des performances significativement supérieures à la moyenne à long terme. Pourtant, de très nombreuses et sérieuses études montrent qu’un effet saisonnier est bel est bien à l’oeuvre sur les marchés. Qui plus est -au grand agacement des chercheurs- il n’est pas possible d’expliquer pourquoi il vaut mieux s’abstenir d’intervenir en Bourse à partir de mai, et réinvestir à partir de la veille du 1er novembre.
Un effet visible quasi partout, quasi tout le temps
Deux universitaires, spécialisés dans les questions de saisonnalité, ont testé l’effet “Halloween/Sell in May” sur l’échantillon le plus important jamais recueilli, et leur conclusion est claire : investir à Halloween et prendre ses profits en mai rapporte 4% de plus qu’une stratégie consistant à détenir indéfiniment ses titres. Les professeurs Zhang Yi de la Nottingham University Business School (Chine) et Ben Jacobsen de TIAS Business School (Pays-Bas),ont travaillé sur rien de moins que la totalité des données de marché disponibles, une première dans le monde.
Leur échantillon commence en 1693 avec la Bourse de Londres et comprend jusqu’au plus récent des indices, celui du marché rwandais inauguré en 2013, soit 114 marchés au total et plus de 63.000 mois de performances boursières à décortiquer… Et le résultat est surprenant par son ampleur puisqu’ils n’ont identifié qu’un seul marché –la Bourse de l’Ile Maurice– présentant sur la durée un rendement supérieur pendant la période estivale. Ainsi, sur toute période de cinq ans glissant, un investisseur a 80% de chances de faire mieux que la moyenne du marché en suivant une stratégie d’achat à Halloween, et 90% de chances de faire mieux en s’y tenant sur dix ans.
L’effet des vacances d’été pèserait sur les volumes
La raison de cette surperformance des mois d’hiver dans le monde n’est donc pas franchement élucidée, même si la prévalence historique du marché britannique suggère une piste crédible. C’est d’ailleurs dans le quotidien de référence de la City qu’a été relevée la plus ancienne mention du dicton “Sell in May and go away” – dans une édition de 1935 du Financial Times, l’article le présentant déjà comme “un vieil adage”. L’hypothèse la plus probable serait que les classes aisées quittaient Londres pour la campagne aux beaux jours en délaissant leurs portefeuilles (ou du moins en n’intervenant qu’épisodiquement pendant cette période). L’étude de Zhang et Jacobsen présume que cet effet correspondant à la prise des congés estivaux est toujours à l’oeuvre aujourd’hui. D’autant que la saisonnalité de l’Halloween Indicator est plus marquée en Europe et aux Etats-Unis, où l’habitude de prendre des vacances l’été est plus répandue que dans le reste du monde.
Passé octobre, il est temps de revenir sur les marchés
Reste une énigme pour les chercheurs : l’effet Halloween n’a pas été systématiquement mis à profit par les arbitragistes jusqu’à disparaître. Au contraire, Zhang et Jacobsen observent qu’il tend à s’accentuer sur les décennies les plus récentes. L’esprit d’Halloween n’a donc pas fini de hanter les marchés, pour le plus grand profit des investisseurs…