Pourquoi la crise migratoire est une chance pour l’Europe

Contrairement à une idée reçue, cette migration constitue une chance pour l’Europe, si elle sait se montrer généreuse sans pour autant renoncer à contrôler ses frontières. Selon nos calculs, la venue des migrants pourrait représenter un surplus de croissance du PIB de 0,6% pour la zone Euro et de 1% pour l’Allemagne dès l’année prochaine. Soit une croissante totale autour de 2,2% pour la zone Euro et de 3% pour Allemagne en 2016.

Cette vague migratoire constitue donc une opportunité économique pour les pays de la zone euro qui font face à un essoufflement du progrès technique et à un vieillissement de la population pesant sur sa croissance économique potentielle à moyen terme.  D’après nos estimations, celle-ci n’est que de 0,5% par an. Rappelons que la croissance potentielle correspond à la somme de deux éléments: les gains de productivité et la progression de la population active. Le premier peut être amélioré grâce à des réformes structurelles, qu’il s’agisse par exemple du fonctionnement du marché du travail ou de l’amélioration de la formation initiale et de la qualification des actifs. Le second par la politique de natalité ou par l’immigration. L’arrivée – même assez massive – de migrants peut avoir des effets extrêmement positifs sur la santé économique d’un pays. Souvenons-nous que de 2000 à 2008, l’Espagne a dû faire face à une immigration considérable qui a représenté jusqu’à 1,5% de sa population totale, alors que son taux de chômage tournait autour des 12% au début des années 2000. Mais au lieu d’être un fardeau, cet afflux de migrants est à l’origine du boom de l’Espagne avec une croissance annuelle moyenne de l’ordre de 4% entre 2000 et 2008 et un taux de chômage tombé à 8,3% de la population active début 2007.

Un déficit annuel net de 400.000 actifs en Allemagne

Compte tenu de son déficit démographique, l’Allemagne a compris le bénéfice économique qu’elle pouvait tirer de la vague migratoire actuelle. Ce pays affiche, en effet, un déficit annuel net de 400.000 actifs. Si l’Allemagne ne s’engageait pas dans une politique volontariste alors ce chiffre atteindrait les 800.000 d’ici à 2020, ce qui serait dévastateur en termes de croissance, de financement de la protection sociale et du paiement des retraites. Autrement dit, sa volonté d’accueillir 800.000 demandeurs d’asile dès 2015 vise justement à contrecarrer cette sombre perspective.

Qu’en est-il pour la France? Le déficit annuel est de 70.000 à 80.000 personnes, ce qui est inférieur aux 120.000 accueillies l’an dernier. Malgré tout, sans le maintien d’une politique volontaire d’immigration, la France connaîtra elle aussi un recul de sa croissance potentielle. Hélas la France a une longueur de retard par rapport à l’Allemagne en matière d’intégration, de formation et d’accès au marché du travail des populations immigrées. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Ceux, nés à l’étranger, représentent 13% de la population en France et 14,6% en Allemagne. Mais le taux de chômage des immigrés peu qualifiés était respectivement de 20% en France contre 12% seulement en Allemagne sur la période 2012-2013. Et de 11% en France et 6% Outre-Rhin pour les immigrés bien qualifiés. Edifiant…

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