Lundi 3 décembre, une centaine d’ambulanciers a manifesté “par surprise” à Paris, bloquant la place de la Concorde dans la matinée. Ils revendiquent la suppression d’un texte qui redéfinit les règles de financement dans le transport des patients. Ce ne sont pourtant pas leurs syndicats professionnels qui ont appelé à cette grève, comme le confirme Guillaume Narguet, secrétaire général de la Chambre Nationale des Services d’Ambulances.
Challenges. Pourquoi les ambulanciers manifestent-ils lundi 3 décembre ?
Guillaume Narguet. Les manifestations que l’on observe à Paris et sur tout le territoire sont liées à un article du Projet de Loi de Finances de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2017. Cet article concerne la prise en charge des transports de patients. Auparavant, c’était l’Assurance Maladie qui remboursait le transport de patient d’une structure sanitaire à une autre. Or depuis le 1er octobre, ce sont les établissements de santé qui facturent et payent les transferts. Cela pose plusieurs problèmes pour les ambulanciers. Auparavant, le patient avait le libre choix de l’entreprise qui le transportait. Maintenant, ce sont les centres hospitaliers qui rédigent les appels d’offres, et c’est à eux que revient le choix final de l’entreprise de transport.
L’une des grandes craintes des ambulanciers, c’est donc que les plus petites entreprises n’ait pas les moyens – tant financiers que humains – de répondre aux appels d’offres face aux grands groupes comme Keolis ou Transdev. Ces grands acteurs du transport de patients représentent des menaces pour les petites entreprises. Les petites entreprises “familiales” n’ont donc d’autres choix que de procéder à des regroupements pour répondre ensemble à un appel d’offre et se partager ensuite un marché. Avec ce système, on craint que les relations de confiance qui se nouaient entre les hôpitaux et les ambulanciers soient remplacées par des logiques économiques et financières, avec des prestations de qualité moindre. Sans compter que les délais de paiement pour les transports sont désormais passés à 90 jours, ce qui est beaucoup trop long pour les entreprises.
Appelez-vous au retrait de cette article de loi ?
Tout d’abord, il faut savoir que nous, organisation professionnelle des employeurs, nous n’avons pas appeler les salariés à faire grève. Nous représentons les employeurs des sociétés d’ambulance. Nous avons donné comme consigne à nos adhérents de rejoindre le mouvement s’ils le souhaitaient.
Les manifestations que l’on observe à Paris et sur tout le territoire concerne surtout des salariés d’entreprises. Ils ont répondu à l’appel d’association de salariés qui se sont constituées après le premier octobre, date de la mise en application de l’article 80 du Projet de Loi de Finances de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2017. Nous étions bien sûr opposés à cette réforme. Mais depuis, elle a été votée, et nous en avons donc pris acte. Nous savons que le gouvernement ne reviendra pas sur cet article. Les salariés nous reprochent de ne pas nous impliquer pour eux, ce qui est pourtant faux car nous sommes en pourparler très réguliers avec les pouvoirs publics, notamment pour ne pas que cette mesure soit étendue.
Les salariés “court-circuitent” donc les syndicats professionnels ?
Oui. On assiste à une fracture entre nous, syndicats représentatifs du secteur, et notre base. Les salariés qui manifestent veulent retirer cet article, mais nous, nous savons que ce n’est pas possible. Une fois que l’article 80 a été appliqué, on a pu assister à des regroupements de salariés à l’appel de collectifs comme la DTS par exemple. Cette association s’est constituée en octobre je crois. Malgré tout nos efforts de communications pour rassurer sur l’avenir de la profession, les associations de salariés ambulanciers donnent comme consignes de ne pas croire du tout à la parole de leurs représentants syndicaux. Un exemple de cette défiance, c’est le blocage il y a peu de l’une des quatre fédérations d’employeurs du transport sanitaire. Celle-ci devait se réunir deux jours en congrès, mais a dû annuler leur seconde journée à cause d’un blocage imposé par des salariés.
Le mouvement peut durer dans la mesure où le mouvement se greffe au gilets jaunes. D’après ce que je comprends, le mot d’ordre serait de manifester avec les gilets jaunes pour faire valoir leurs revendications et profiter de ce mouvement sur tout le territoire, pour que leur revendications soient portées à un niveau à un peu plus élevé. Le mouvement peut donc durer tant que l’on ne règle pas la situation des gilets jaunes.