L’optimisme des dirigeants d’entreprises a permis aux opérations de fusions et acquisitions de résister à la baisse des marchés lors du premier semestre, mais maintenir la cadence s’annonce difficile avec le ralentissement des économies.
Entre janvier et juin, le montant des fusions et acquisitions dans le monde a diminué de plus de 20% par rapport à l’année précédente, une proportion similaire à certains grands indices boursiers, selon le recensement du spécialiste des données financières Dealogic arrêté au 28 juin. Mais l’année 2021 avait pulvérisé tous les records, dans la lignée du rebond économique initié à l’été 2020, après les confinements liés à l’épidémie de coronavirus. En prenant un peu plus de recul, le montant sur les six premiers mois de 2022 est le troisième le plus élevé depuis 2010. Et ce, malgré des conditions économiques qui se sont nettement tendues, avec l’inflation et le ralentissement économique observé aux États-Unis et en Europe, et la guerre en Ukraine.
Un décalage entre sentiment de marché et la réalité ?
Il pourrait y avoir un “décalage” entre la perception des acteurs économiques “qui, pour la plupart, nous confirment qu’ils parviennent à gérer tant bien que mal la hausse des coûts et les problèmes de chaînes d’approvisionnement”, et les marchés qui eux “anticipent déjà une forte dégradation de l’environnement macro-économique à moyen terme”, explique Alexandre Courbon, responsable fusions et acquisitions chez HSBC Continental Europe.
Ce décalage entre marché et affaires “est assez prononcé mais déjà vu”, rappelle Alexandre Courbon, les entreprises pouvant mettre plusieurs semaines voire plusieurs mois avant de voir les effets d’un retournement de cycle. Après une année 2021 où beaucoup d’entre elles ont enregistré des bénéfices records, elles disposent encore de marges de manœuvre. “Aujourd’hui, les entreprises nous disent: ‘même en mettant ceinture et bretelles’, on voit l’année plutôt positivement”, complète Florian Allain, de Mandarine Gestion.
Elles sont aussi incitées à agir vite, alors que le coût de l’endettement va devenir plus conséquent avec les hausses des taux d’intérêt sur le marché obligataire. Encore historiquement bas début 2022, ils ont amorcé une brutale remontée depuis, pour les États comme pour les entreprises.
La technologie, secteur le plus actif
Dans le détail, la technologie reste, de loin, le secteur le plus actif et représente plus du quart des volumes des fusions et acquisitions selon les comptes de l’agence de données financières Refinitiv de janvier à mai. Parmi les affaires en cours se trouvent le rachat d’Activision Blizzard par Microsoft pour 69 milliards de dollars, annoncé au début de l’année, ou celui de VMware par Broadcom pour 61 milliards de dollars en mai.
Mais le décalage entre les marchés et les affaires touche peut-être à sa fin. Les nouvelles conditions de marché et les surcoûts engendrés par l’inflation pourraient se voir dans les comptes lors des résultats du premier semestre, mi-juillet. Ainsi, la dynamique dans la technologie a bien ralenti par rapport à 2021 (-14%), expliquant en partie la forte décrue observée aux États-Unis (-25%), selon Refinitiv . En Europe, les volumes des fusions et acquisitions lors des cinq premiers mois de l’année sont restés stables.
Une fenêtre d’opportunités
Parmi les gérants et les observateurs de marché, nombreux sont ceux qui estiment que les perspectives de ventes et de bénéfices des entreprises sont encore surévaluées. “Quand la confiance n’est plus là les gens sont beaucoup plus frileux pour faire des opérations”, relève Jean-Baptiste Charlet, coresponsable de la division banque d’investissement de Morgan Stanley France. Si aujourd’hui, ils “veulent être opportunistes, ils nous mandatent pour être aux aguets mais la réalité derrière ce phénomène, c’est que le marché en lui-même se ralentit”, poursuit-il.
Malgré les “vents contraires” à venir, “les fusions et acquisitions ne seront pas à l’arrêt pour autant”, souligne Alexandre Courbon d’HSBC. “Les fonds de capital-investissement chercheront à profiter de la baisse des multiples de valorisation, encore élevés sur le non-coté aujourd’hui” notamment sur le segment midcaps (valorisations inférieures à 500 millions d’euros). Selon lui, les entreprises aux bilans solides “devraient y voir une fenêtre d’opportunités et profiter d’une moindre concurrence dans les processus de vente”.