Louis Boujard, analyste chez ODDO BHF, décrypte les déclarations du gouvernement sur la montée possible au capital d’EDF et l’intérêt d’une séparation entre les activités nucléaires et les autres activités (distribution, énergies renouvelables…)
Que pensez-vous des déclarations d’Edouard Philippe sur la montée « possible » de l’Etat au capital d’EDF courant 2019 ? Il en détient déjà 84%, quand même…
Il faut replacer cette déclaration dans un contexte plus large : le gouvernement a demandé aux dirigeants d’EDF de proposer « les évolutions du groupe qui permettent de faire face aux défis auxquels l’entreprise est confrontée dans le nucléaire, les énergies renouvelables, les services énergétiques et les réseaux ». C’est dans ce cadre, et uniquement en cas de besoin pour accompagner ces évolutions organisationnelles, que l’Etat pourrait procéder à une augmentation de capital. Si rien n’évolue, il n’y aura pas besoin de cette montée au capital.
Croyez-vous à un scénario de scission du groupe, entre d’un côté la production nucléaire, et de l’autre les énergies renouvelables, le réseau de distribution et les services ? quels seraient les avantages sur le plan industriel ?
Ce ne sera pas une « scission » de l’entreprise : l’Etat ne le souhaite pas, les syndicats y sont opposés, ça ne ferait pas sens. Mais le nucléaire est un sujet d’incertitude et de risques pour l’entreprise, avec les passifs nucléaires et l’incapacité à s’adapter aux contraintes de la volatilité du prix de marché. Il faudrait donc un changement de réglementation, mais Bruxelles pourrait y voir une pratique anti-concurrentielle. Il faudra donc entrer dans un processus de négociation qui risque de durer un certain temps, comme souvent dans les négociations européennes. Dans ce cadre, la création d’une entité « à côté » du groupe, qui serait entièrement détenue par l’Etat, et qui vendrait son électricité au même prix à EDF et à ses concurrents serait une option satisfaisante pour tout le monde : cela donne de la visibilité et sécurise les emplois pour les salariés, améliorerait les capacités d’investissement du groupe pour la partie non nucléaire (réseaux, énergies renouvelables…)
Est-ce que ce serait profitable sur le plan boursier ?
Ce sera profitable sur le plan industriel comme sur le plan boursier, il ne faut pas opposer ces deux dimensions. Dans ce dossier, les intérêts des actionnaires et ceux des salariés sont alignés. Les actionnaires « historiques », ceux qui ont acheté des actions lors de l’introduction en bourse en novembre 2005, sont proches de leur mise initiale, dividendes réinvestis. Ça n’a pas été la meilleure affaire boursière mais ce n’est pas déshonorant. Et ceux qui ont souscrit à l’augmentation de capital l’an dernier ont fait une bonne opération…