Publicis veut faire de l’or avec les données de ses clients

Adieu publicité à la papa, bonjour data. Publicis, le numéro trois mondial du secteur (9 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2018), accentue encore sa mue vers le digital. Il a annoncé dimanche avoir pris le contrôle d’Epsilon, filiale du groupe américain Alliance Data System (ADS) spécialisée dans le marketing et les data. A 4,4 milliards de dollars, cette acquisition stratégique est aussi la plus importante de son histoire.

3.700 data scientists chez Epsilon

Dans un monde dorénavant dominé par les Gafa – où Google et Facebook ont capté 92% de la croissance des revenus publicitaires en ligne, les données sont devenues le nouvel or du numérique et les “data scientists” sont les orpailleurs capables d’extraire des pépites de monceaux de données. Publicis l’a parfaitement compris : en rachetant Epsilon, il achète d’abord des talents extrêmement convoités. Tout juste quinquagénaire (elle a été créée en 1969), la société texane emploie aujourd’hui 3.700 data scientists. Le groupe publicitaire s’empare aussi de nouvelles briques technologiques qui aideront ses clients à réaliser l’alchimie numérique, c’est à dire à convertir le plomb – les bases de données brutes – en or. Traitées et exploitées, les données deviennent un puissant vecteur de croissance pour les entreprises.

“Epsilon apporte la technologie permettant à nos clients d’organiser, gérer et activer les données propriétaires de nos clients”, a expliqué Arthur Sadoun, lors d’une présentation diffusée ce lundi 15 avril matin. Epsilon possède aussi la capacité d’enrichir une base de données en y ajoutant des précisions sur l’identité, la provenance géographique, le comportement des consommateurs. Une intelligence artificielle permet enfin de prédire quand et comment le consommateur passera commande. “L’expertise d’Epsilon s’étend dans tout le champ des données, ce qui rend cet actif unique”, a expliqué Arthur Sadoun.

Le virage digital s’accélère 

Cette acquisition fera-t-elle de Publicis un nouveau Big Brother ? Dans un environnement où la réglementation se durcit et alors que les inquiétudes sur l’usage des données montent, le groupe publicitaire assure avoir trouvé la perle rare, capable de gérer les données de 250 millions d’Américains tout en respectant strictement la régulation.

Cette acquisition stratégique intervient cinq ans après une autre opération stratégique, qui avait amorcé le virage de Publicis de la publicité vers le conseil et les technologies. En 2014, trois ans avant de confier les manettes du groupe à Arthur Sadoun, l’ex-informaticien Maurice Lévy avait racheté Sapient, pour 3,7 milliards de dollars. Intégré à l’agence interactive Razorfish, ce spécialiste du conseil et du digital fondé en 1991 à Boston a servi à Publicis d’argument choc pour conquérir des clients davantage préoccupés par leur croissance et leur stratégie marketing que par leur communication.

Le marché a salué l’acquisition, le cours de Publicis ayant grimpé de plus de 4% (4,6%) au cours de la séance de lundi, à 49,38 euros l’action, contre 47,19 euros à la clôture vendredi.

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