François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, a présenté à la presse le 4 octobre 2016 le rapport 2015 de l’Observatoire de l’inclusion bancaire, qu’il préside. Une occasion de faire le point sur l’ensemble des dispositifs en faveur des personnes en situation de fragilité financière, en particulier le droit au compte et le micro-crédit.
Institué par la loi du 26 juillet 2013 qui renforce notamment le « droit au compte », l’Observatoire de l’inclusion bancaire réunit des représentants d’organismes publics, des établissements de crédit et des associations de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Il est assisté d’un Conseil scientifique.
Les statistiques présentées par l’Observatoire portent principalement sur le droit au compte, l’accès au crédit des « personnes en situation de fragilité financière » et le microcrédit (professionnel et personnel).
Les personnes en situation de fragilité financière : l’article 52 de la loi du 26 juillet 2013 a introduit une notion de personnes en situation de fragilité, eu égard, notamment, au montant de leurs ressources », en prévoyant pour celles-ci des règles protectrices particulières dont la limitation des frais bancaires en cas d’incidents et l’accès à une offre spécifique de services bancaires de base dans des conditions tarifaires plafonnées. Les critères de détection des populations en situation de fragilité financière ont été fixés par le décret n°2014-738 du 30 juin 2014. |
Données globales sur les phénomènes de fragilité financière
Cette population est quantifiée dans le rapport de l’Observatoire : 3 millions de clients bancaires sont en situation financière fragile, en raison d’incidents bancaires à répétition et au regard de leur faible niveau de revenu. A ce chiffre, il faut ajouter 500.000 personnes sans compte bancaire, hors Livret A.
L’Observatoire souligne qu’une fraction de la population, pour des raisons liées à l’extrême pauvreté ou à l’itinérance, utilise le Livret A comme solution alternative à un compte de dépôt, phénomène qu’avait détecté le Credoc dès 2010.
L’accès des populations les plus modestes aux services bancaires reste toutefois plus élevé en France (94,9 %) que dans la zone euro (92,5 %). A ces chiffres, il faut rapporter celui de 8,8 millions qui est le nombre de personnes vivant en France métropolitaine en dessous du seuil de pauvreté (60 % du niveau de vie médian de la population, lui-même égal à20 000 euros). Si 96,6 % des Français ont un compte de dépôt, on peut néanmoins noter que seulement 78,9 % des 15-24 ans détiennent un compte, ce qui place la France en-dessous du taux de bancarisation moyen observé dans la zone euro voire l’OCDE pour cette tranche d’âge.
La carte de paiement à autorisation systématique (CPAS), qui fait partie des services bancaires de base proposés dans le cadre du droit au compte, est largement en circulation : à fin décembre 2015, on en compte 8,6 millions, soit une moyenne élevée de 133,3 cartes pour 1000 habitants. Comme l’indique le rapport :« A l’exception des régions Haut-de-France et Ile-de-France, le lien entre détention de CPAS et un critère de revenu (comme le revenu disponible brut par habitant) semble réel bien que partiel ».
Droit au compte : la Banque de France a procédé à près de 69 000 désignations d’établissements (+ 14 %)
Première tendance lourde observée : un développement sensible de l’usage du « droit au compte » en 2015 puisque la Banque de France a procédé à la désignation de près de 69 000 banques pour ouvrir des comptes bancaires à des personnes physiques ayant déposé une demande de droit au compte (+ 14 % par rapport à 2014). Rappelons que ce dispositif permet à une personne qui se voit refuser l’ouverture d’un compte dans une banque de saisir la Banque de France, qui est alors habilitée à désigner en urgence une banque, contrainte d’ouvrir un compte et de fournir un service de base gratuit. L’Observatoire souligne que 66 % des demandes de procédure de droit au compte font suite à la clôture du compte par la banque précédente, à cause d’un découvert non autorisé persistant. Dans 38 % des cas, les demandeurs sont à la recherche d’un emploi.
Le rapport de l’Observatoire note que « des difficultés ponctuelles de mise en oeuvre persistent – environ 3.500 cas recensés en 2015, soit 5 % des désignations effectuées », qui portent majoritairement sur l’ouverture (38 %) et la clôture (55 %) du compte. Il ajoute que « près d’un cinquième des comptes actifs dans le cadre de la procédure [de droit au compte] ont plus de quatre ans d’ancienneté ».
Accès au crédit : le microcrédit est en hausse (+ 8 %) à 1, 284 milliard d’euros
Si le rapport rappelle qu’il n’y a pas de « droit au crédit » en France, il souligne que le microcrédit accompagné permet un accès à toutes les populations en situation de fragilité, dans le cadre d’un partenariat entre associations et banques et repose principalement sur l’accompagnement de l’emprunteur par des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS/CIAS). Près de 70 % des dossiers transmis aux banques par les CCAS/CIAS sont acceptés.
Selon l’Observatoire de l’inclusion bancaire, 15 % des personnes interrogées déclarent avoir emprunté en 2014 (11 % au niveau mondial mais 18 % au niveau de la zone euro). En 2010, 47,7 % des ménages français déclaraient au moins un crédit (contre 43,7 % pour la zone euro). 24,4 % déclaraient un crédit immobilier (23,1 % pour la zone euro) et 32,8 % un crédit à la consommation (29,3 % pour la zone euro). A propos du crédit à la consommation, l’Observatoire constate que « l’accès à ce type de crédit est variable selon les tranches de revenus, limitant en cela le risque de surendettement des populations aux revenus les plus faibles. Néanmoins les ménages qui recourent plus au crédit renouvelable qu’à des prêts personnels ou assimilés, sont plus en risque que les autres et notamment davantage susceptibles de devenir surendettés ». |
Part prépondérante des microcrédits professionnels
L’encours des microcrédits accompagnés s’élève à 1,284 milliard d’euros en décembre 2015, contre 1,188 milliard en décembre 2014, soit une progression de 8 %. “Le total est significatif même si cela reste très minoritaire par rapport aux autres prêts“, a souligné François Villeroy de Galhau. Les « microcrédits professionnels » sont prépondérants puisqu’ils représentent 87 % des encours, avec 1,12 milliard d’euros, et 71 % du nombre de microcrédits, alors que les « microcrédits personnels » n’atteignent que 165 millions d’euros.
L’Observatoire rapporte que les microcrédits professionnels sont majoritairement utilisés pour le financement de la création d’entreprise (660 millions d’euros de financement, soit près de 60 % des encours), le financement de la reprise ou transmission d’entreprise représentant plus de 30 % des encours.
Les secteurs ayant le plus recours aux microcrédits professionnels sont, sans surprise, les secteurs du commerce et aussi de la réparation ou des services, qui sont les domaines d’activité qui accueillent le plus les très petites entreprises (TPE).
Le Prix Banque de France 2015 du micro-crédit professionnel accompagné
Monsieur Folly Lakoussan, qui a reçu le 4 octobre le prix Banque de France 2015 du microcrédit professionnel accompagné, a pu créer son activité d’édition de logiciels adaptés aux structures hospitalières grâce au microcrédit. Il a obtenu en 2015 un microcrédit de l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie) de 3.160 euros avec un prêt d’honneur de 1.500 euros et bénéficié de 20.000 euros de prêt d’honneur du Réseau Entreprendre et de prêts complémentaires de 40.000 euros. Aujourd’hui, il emploie trois salariés et compte en recruter deux nouveaux l’an prochain.
Forte progression des microcrédits personnels en 2015 : + 20 %
Les microcrédits personnels servent à financer un projet personnel qui permet d’améliorer la situation professionnelle de l’emprunteur, essentiellement pour l’emploi (financement d’une formation) et la mobilité (achat d’une voiture). Ils ne sont pas soumis à condition de ressources. “Les taux d’intérêt sont librement fixés par les prêteurs dans le respect de la réglementation de l’usure pour les prêts à la consommation, indique le rapport ; fin 2015, les taux moyens se répartissent entre 2,8 % et 4 % selon les établissements prêteurs.”
Si la part des microcrédits personnels reste bien inférieure à celle des microcréditsprofessionnels, leur progression est dynamique : +20 % en 2015. Leur montant moyen atteint un peu plus de 2.200 euros. Près des trois quarts se situent dans la tranche 1000-3000 euros, mais plus d’un sur dix dépasse maintenant les 3000 euros. Les trois quarts ont une durée initiale inférieure à trente-six mois.
Le Prix Banque de France 2015 du micro-crédit personnel
Madame Roda Abdo-Ahmed a reçu le 4 octobre le prix Banque de France du microcrédit personnel 2015. Elle a obtenu un prêt de 1.400 euros auprès de la Banque Postale en avril 2013 afin de pouvoir acheter un véhicule. Grâce à cela, elle a pu suivre une formation de tourneur fraiseur, a obtenu un BEP et un baccalauréat professionnel en 2016.
Le Gouverneur de la Banque de France a conclu la présentation du rapport de l’Observatoire de l’inclusion bancaire en insistant sur l’action mise en œuvre par la Banque de France, dans le cadre de la stratégie nationale d’éducation budgétaire, financière et économique dont la Banque est l’opérateur national, action qui « consiste à promouvoir l’éducation économique et financière des publics fragiles, notamment contre le surendettement et en les orientant vers les instruments financiers les mieux adaptés à leur spécificité. »