Recapitalisation: pourquoi Air France s'en sort mieux que prévu

Benjamin Smith peut souffler. Un an après avoir sauvé Air France de la faillite le gouvernement français vole une nouvelle fois à sa rescousse. Les discussions sur les conditions de la recapitalisation auront été longues et ardues, mais le flagship tricolore s’en tire plutôt bien : validée le 5 avril par le conseil d’administration du groupe, la solution négociée entre Paris et Bruxelles lui permet de recevoir une nouvelle aide publique à hauteur de 4 milliards d’euros pour consolider ses fonds propres, aujourd’hui négatifs, sans contreparties trop douloureuses. “C’est un accord équilibré qui nous permet d’avancer plus sereinement sur la transformation de notre groupe”, a d’ailleurs admis son directeur général au cours d’une conférence de presse ce mardi matin.

Un bilan plus solide

Sur le plan financier, l’opération va lui permettre de convertir son prêt de trois milliards d’euros accordé il y a un an dans le cadre du premier sauvetage de la compagnie, en instrument obligataire hybride perpétuel. Soit en quasi-fonds propres. Dans le même temps, l’Etat français va participer à une augmentation de capital d’un montant maximal d’1 milliard d’euros à laquelle souscrira également son actionnaire China Eastern, mais pas l’État néerlandais ni Delta Air Lines.

“Au final, cela permettra au groupe d’afficher un bilan plus solide et

de financer plus aisément ses investissements, explique un analyste du secteur. A terme, il faudra sans doute remettre au pot, car le groupe aura besoin, d’un ou deux milliards d’euros supplémentaires. Mais pas avant 2023″, rappelle-t-il. Car la trésorerie du groupe n’est pas en jeu. Fin février, celle-ci s’élevait à 8,8 milliards d’euros, a précisé Frédéric Gagey, le directeur financier.

9 allers-retours en moins à Orly

Par ailleurs, en échange de la montée au capital de l’Etat français au capital, juste sous la barre limite des 30% nécessitant de déclencher une OPA comme l’exige le droit boursier, Air France va devoir rétrocéder 18 créneaux horaires à l’aéroport saturé de Paris Orly, correspondant à 9 vols aller-retour par jour. C’est plus que la douzaine de slots que la compagnie était prête à céder, mais  moins que les 24 paires exigées à l’origine par Bruxelles, par souci d’appliquer les mêmes règles que celles imposées à Lufthansa lors de la recapitalisation de la compagnie nationale allemande l’an dernier.

Or cette exigence risquait de remettre en cause le plan de développement de Transavia, un des piliers du plan de retour à la rentabilité d’Air France mené par Benjamin Smith depuis 2019. En février, alors en pleine négociation avec Bruxelles, le patron canadien n’avait pas caché son inquiétude concernant les contreparties exigées par la Commission européenne. “Ce serait renoncer à une partie de notre activité à Orly, car nous n’avons pas la possibilité de la transférer à Roissy,” expliquait-il, alors que Transavia est contraint à un accord avec les pilotes d’Air France qui empêche la low cost d’atterrir à Charles-de-Gaulle. En plein essor, la compagnie low cost qui reprend la plupart des liaisons domestiques de la compagnie régionale Hop ! vient d’annoncer l’ouverture de 25 nouvelles lignes pour la saison estivale et prévoit toujours de doubler le nombre de ses avions d’ici à 2025.

Eviter l’arrivée de Ryanair 

Le double lobbying des dirigeants de la compagnie et du gouvernement aura donc porté ses fruits. D’autant que ces créneaux ne pourront être attribués qu’à des compagnies basées à Orly comme c’est le cas d’Air Caraïbes, de French Bee, de Corsair, d’EasyJet, de Vueling, mais pas de Ryanair ou Wizzair. Pas question pour Bruno Le Maire, en première ligne sur le dossier, de “favoriser une concurrence injuste qui pourrait fragiliser Air France”, a-t-il prévenu ce matin sur France Inter.

Mais pas question non plus de faire un “chèque en blanc” à Air France a précisé le ministre de l’Economie. La compagnie doit donc poursuivre ses efforts de redressement. Benjamin Smith n’a d’ailleurs pas caché qu’il voulait accélérer son plan de retour à la compétitivité. Outre la rationalisation et le verdissement de la flotte, un important plan social est en cours avec près de 8.500 postes supprimés d’ici 2022. 

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