Rappelant l’importance de la réforme, le rapporteur de la Commission des lois de l’Assemblée nationale s’était dit « particulièrement soucieux de préserver la justice contractuelle » et « attaché à rétablir ou à améliorer les dispositions de l’ordonnance qui ont été supprimées ou amputées par le Sénat au nom d’une vision libérale, en particulier s’agissant du contrat d’adhésion, de la violence liée à l’abus de l’état de dépendance et du pouvoir de révision du juge dans le cadre de l’imprévision » (cf. Blog FIDAL Réforme du droit des contrats : adoption en première lecture par le Sénat du projet de loi de ratification de l’ordonnance).
C’est ainsi que les députés ont rétabli le dispositif initial de l’ordonnance s’agissant notamment de :
- l’article 1137 du code civil relatif au dol, afin d’éviter de « faire dépendre la réticence dolosive du devoir précontractuel d’information » et de permettre « de sanctionner plus largement la mauvaise foi que la simple négligence » ;
- l’article 1143 du code civil relatif à la violence, au motif qu’il peut « y avoir violence en cas d’abus d’un état de « dépendance » et pas seulement de « dépendance économique » » et qu’il est nécessaire de garantir « une protection des personnes vulnérables et non pas seulement des entreprises dans leurs rapports entre elles, et ce en particulier dans le cadre de contrat à titre gratuit (libéralités, donations) » ;
- l’article 1166 du code civil relatif à l’indétermination de la qualité de la prestation dans le contrat, afin de « permettre d’apprécier de manière équilibrée la qualité de la prestation au regard, aussi bien de ce que le créancier pouvait espérer recevoir, que ce que le débiteur s’attendait à devoir fournir » ;
- l’article 1171 du code civil relatif au déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties afin que « toute clause d’un contrat d’adhésion [puisse] être réputée nulle de plein droit si elle crée un déséquilibre significatif entre les parties, à l’exclusion de celles relatives à l’objet principal du contrat ou sur l’adéquation du prix à la prestation » ;
- l’article 1195 du code civil relatif à l’imprévision au motif qu’il donne « toutes ses chances à la survie du contrat » y compris au travers de « la possibilité pour une partie de saisir le juge afin de demander seule la révision du contrat en cas d’échec des renégociations avec l’autre partie » ; l’atteinte au principe de la force obligatoire des contrats devant être, selon les députés, « relativisée dès lors que le juge est lié par l’économie générale du contrat voulue initialement par les parties » et que celles-ci demeurent par ailleurs « libres d’écarter conventionnellement l’article 1195 qui n’est pas d’ordre public ».
Les députés ont également apporté des modifications à l’ordonnance, parmi lesquelles on relèvera spécialement :
- la définition des conditions générales, visées par l’article 1119 du code civil, comme « un ensemble de stipulations non négociable, déterminé à l’avance par l’une des parties et destiné à s’appliquer à une multitude de personnes ou de contrats » ; et
- la (re)définition du contrat d’adhésion, visé par l’article 1110 du code civil, comme celui qui « comporte des conditions générales au sens de l’article 1119 du Code civil ». Les députés ont souhaité « limiter les risques d’interprétation alarmants des professionnels et des milieux d’affaires quant à sa portée au regard du dispositif de sanction des clauses abusives prévu à l’article 1171 » dans la mesure où « la rédaction proposée par le Sénat élargissait considérablement le champ des contrats d’adhésion en incluant tous les contrats dans lesquels une ou plusieurs clauses n’est pas « négociable » à la demande d’une partie ainsi que, par exemple, les pactes d’actionnaires auxquels adhèrent le nouvel actionnaire lorsqu’il acquiert ses actions ».
Les députés ont, aussi, approuvé certains ajustements opérés par les sénateurs, s’agissant notamment de :
- la précision du champ du préjudice réparable prévu à l’article 1112 du code civil en cas de faute commise à l’occasion des négociations précontractuelles ;
- l’introduction de la possibilité de saisir le juge pour obtenir la résolution du contrat de prestation de service dont le prix a été unilatéralement fixé par le prestataire au visa de l’article 1165 du code civil ;
- la précision des règles relatives à l’exécution forcée en nature du contrat prévues par l’article 1221 du code civil.
Les députés ont enfin estimé « nécessaire » de prévoir des dispositions transitoires expresses « afin de ne pas susciter d’incertitude sur l’application dans le temps de la loi de ratification de l’ordonnance portant réforme du droit des contrats ». Le texte prévoit ainsi :
- une entrée en vigueur « légèrement différée » de la loi de ratification, afin de « permettre aux acteurs concernés d’adapter leurs documents contractuels dans un délai de trois mois » ;
- que les dispositions de la loi de ratification qui modifient l’ordonnance ne seraient applicables qu’aux « contrats, et plus généralement aux actes juridiques établis postérieurement à son entrée en vigueur », les députés rappelant à ce titre que « les actes en cours postérieurs au 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance, resteraient soumis même pour l’avenir aux textes issus de l’ordonnance du 10 février 2016 (les actes juridiques antérieurs au 1er octobre 2016 restent quant à eux dans tous les cas soumis au droit antérieur à la réforme) » ;
- mais que, par dérogation, « les dispositions de la loi de ratification de nature interprétative » s’appliqueraient rétroactivement aux actes juridiques postérieurs au 1er octobre 2016, les députés estimant qu’ « une telle solution a le mérite, pour ces dispositions, de ne pas engendrer un troisième droit applicable aux contrats ».
Le texte a été transmis le 12 décembre au Sénat pour la deuxième lecture, conformément à la procédure législative dite « ordinaire ».
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