L’État français devra restituer à Schneider Electric et Air Liquide un impôt indûment payé par les groupes sur des dividendes européens, à un niveau qui devra être déterminé par la justice administrative, a décidé mercredi le Conseil d’État, tranchant un vieux contentieux.
Depuis près de vingt ans, Schneider Electric, Air Liquide et d’autres groupes français comme Engie ou Axa réclament le remboursement par l’État du précompte mobilier, c’est-à-dire l’impôt qu’ils ont acquitté sur les dividendes versés par leurs filiales situées en Europe.
Au total, le contentieux porte sur quelque 3,5 milliards d’euros, selon Me François-Henri Briard, l’avocat de Schneider, interrogé par l’AFP.
Contrairement à ce qui prévalait pour les dividendes provenant de filiales françaises (afin de prévenir la double imposition), les maisons mères françaises devaient s’acquitter d’un précompte mobilier pour les dividendes européens.
Ce mécanisme, instauré en 1965 et supprimé en 2005, est contesté en justice par plusieurs de ces entreprises.
Se prononçant mercredi au terme d’une longue saga judiciaire, le Conseil d’État a partiellement annulé deux arrêts de la cour administrative d’appel de Versailles qui avaient revu à la hausse en 2020 les remboursements accordés en première instance à Schneider (pour l’année 2003) et Air Liquide (pour 2002 et 2003).
Cette cour avait accordé 51,6 millions d’euros à Schneider et, respectivement, 42,4 et 19,7 millions pour Air Liquide.
L’État s’était pourvu devant le Conseil d’État, juge de cassation en matière administrative. Si le principe d’une restitution du précompte est de fait acté, la cour administrative d’appel de Versailles devra à nouveau se pencher sur son montant, selon les décisions rendues mercredi.
« Sur le fond, les entreprises ont gagné. Le renvoi porte sur les modalités de restitution », a commenté Me François-Henri Briard.
« Schneider est fondé à obtenir la restitution du précompte », a-t-il précisé, « le Conseil d’État demandant à la cour de renvoi de préciser le montant effectivement versé aux bénéficiaires des distributions » des dividendes.
Le prochain arrêt de la cour de renvoi – qui pourrait se prononcer dans les six mois environ, selon Me Briard – pourra faire l’objet d’un nouveau recours devant le Conseil d’État qui aura alors l’obligation de régler définitivement l’affaire.
« Nous sommes presque au bout du chemin, après vingt ans d’un contentieux qui nous a donné raison sur l’essentiel, à l’issue d’un combat acharné et épuisant », a commenté l’avocat.
Le 9 mars, une dizaine d’affaires similaires seront examinées en audience par le Conseil d’État, concernant notamment Engie, Axa et Imerys, avec une décision du Conseil d’État dans les semaines qui suivent.
Le mécanisme du précompte mobilier a aussi été taclé par la justice européenne, saisie à plusieurs reprises dans le cadre de ces affaires, qui l’a estimé incompatible avec le principe de la libre circulation des capitaux ou à la directive européenne dite « mère-fille ».
En 2018, la France avait été condamnée pour manquement par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le Conseil d’État ayant mal appliqué le droit européen.