lustré lors de l’incendie de Notre-Dame, combattant les flammes dix heures durant par 800 degrés. Son petit robot de déminage et de reconnaissance Atrax a été sélectionné par le prestigieux commando Kieffer, commando marine basé à Lorient et rattaché aux forces spéciales. Quant à son robot Bulkhead, qui déploie automatiquement une herse destinée à stopper les véhicules, il a été adopté par les douanes, la BRI, la police judiciaire et la police fédérale belge.
Le petit robot de déminage et de reconnaissance Atrax, de Shark Robotics (photo Shark Robotics)
Les dernières semaines ont également vu la signature de contrats avec des clients prestigieux. Le robot pompier Colossus a été vendu en Israël, une belle revanche alors que le robot israélien Probot avait été préféré à celui de Shark lors d’un appel d’offres de l’Agence de l’innovation de défense. Shark a également réussi à placer son robot Atrax au sein du groupe Intra (Groupe d’intervention robotique sur accidents). Implanté sur le site EDF de Chinon, ce groupe créé par EDF, le CEA et Orano exploite une flotte d’engins robotisés capables d’intervenir en cas d’accident nucléaire de grande ampleur. Le groupe a aussi tapé dans l’oeil d’ArianeGroup, pour son projet d’étage de fusée réutilisable Themis. Shark travaille sur le ravitaillement automatique en carburant et sur la mise en sécurité de l’étage.
Le robot Colossus en action dans Notre-Dame en feu (photo BSPP)
Robots sur-mesure
Un peu à l’étroit sur son site historique d’Aytré, près de la Rochelle, le groupe vient de déménager à la Rochelle même, dans un site quatre fois plus grand. Intégré verticalement, un peu comme SpaceX, Shark y conçoit et fabrique ses robots de A à Z. Le site intègre à la fois un bureau d’études de sept personnes, un atelier d’usinage doté de machines de dernière génération (usinage, fraisage), une chaîne d’assemblage, et depuis peu un bureau de trois personnes dédié au logiciel et à l’intelligence artificielle. “Nous étions parfois catégorisés, à tort, comme de simples mécanos, explique Cyril Kabbara. Nous avons désormais notre propre logiciel de contrôle des robots, auquel nous ajoutons des briques d’intelligence artificielle (navigation autonome, computer vision…).” Les robots Shark sont ainsi 100% made in France, sur les pièces mécaniques comme sur l’intelligence embarquée.
Cyril Kabbara et Jean-Jacques Topalian, les deux cofondateurs de Shark Robotics (Shark Robotics)
La pépite française dispose d’un catalogue de sept robots différents, dont les robots pompiers Colossus et Rhyno Protect, le robot démineur Atrax ou la herse automatique Bulkead. Shark développe également des robots sur mesure en fonction des besoins de ses clients: robot de détection de fuites radioactives et de nettoyage de zones contaminées pour Orano, robot de contrôle automatique des instruments de guerre électronique pour les Rafale, Alphajet et hélicoptères Tigre pour la DGA et Thales, robot porte-cibles pour l’armée de terre.
L’expertise du champion rochelais a tapé dans l’oeil du fondateur d’Amazon Jeff Bezos. Shark a ainsi été invité au dernier événement MARS, un raout privé organisé par Amazon et le groupe spatial Blue Origin tous les ans, qui rassemble chercheurs, PME et investisseurs sur le thème des technologies de rupture. Shark avait été invité à réfléchir sur un projet de rover capable d’extraire la régolithe, le sol lunaire, avec l’objectif de le chauffer pour en récupérer l’oxygène. “Bezos a clairement repéré Shark comme un des acteurs les plus en pointe de la robotique mondiale”, pointait début décembre Thierry Berthier, chercheur au centre de recherche des écoles de Saint-Cyr (CREC), un spécialiste de l’IA et de la cybersécurité qui connaît très bien l’industriel.
La mule Barakuda aux Emirats?
Shark a aussi été repéré par le champion américain des robots Boston Dynamics, connu pour les acrobaties de son robot chien Spot et du robot humanoïde Atlas. Contacté par ce spin-of du prestigieux MIT, l’industriel français a développé un kit de décontamination installé sur le robot Spot. Le système, présenté en octobre dernier, permet de décontaminer jusqu’à 2.000 m2 en 15 minutes, avec le gros avantage de pouvoir traiter des environnements intégrant des marches (salles de cinéma, théâtres…). Il est ainsi complémentaire du robot de décontamination à chenilles Rhyno Protect, développé à 100% par Shark, qui peut traiter 20.000 m2 en trois heures.
Des investisseurs américains pourraient-ils prendre le contrôle de la société? Le scénario ne peut être exclu. “On a eu des demandes aux Etats-Unis, mais aussi de fonds chinois, avec des sommes assez considérables”, révèle Cyril Kabbara. Le risque est d’autant plus grand que le soutien de la France est loin d’être massif. L’Agence d’innovation de la défense (AID) a préféré effectué des expérimentations avec des robots de conception israélienne (Probot), plutôt qu’avec le Barakuda. Résultat: le premier client du Barakuda pourrait être les Emirats Arabes Unis, en discussions avancées avec Shark. Et Shark a appris à vivre sans subvention, ou presque: avec plus de 80 robots livrés à fin décembre 2020, le groupe est déjà rentable.
Un robot anti-IED pour Barkhane?
Le champion français espère cependant toujours convaincre le ministère des Armées, et notamment l’AID, de travailler avec lui. Face aux redoutables engins explosifs improvisés (IED), qui ont fait 23 morts dans les forces françaises depuis 2013, dont cinq ces trois dernières semaines, Shark propose de développer en urgence un robot capable d’ouvrir les itinéraires des blindés français, et de sauter à leur place en cas d’IED. Doté de roues, et non de chenilles, pour ne pas ralentir les convois, il serait plus gros et afficherait un plus gros rayon d’action que le Barakuda actuel.
Le robot Barakuda en 2019, en marge du défilé du 14 juillet (photo Shark Robotics)
L’engin intégrerait également des éléments d’intelligence artificielle, comme la “computer vision”, la capacité d’un système à reconnaître automatiquement son environnement. “Si l’AID est intéressée, nous pourrions aboutir à un POC (Proof of Concept) dès la fin de l’année)”, assure Cyril Kabbara, lui-même ancien du 2e régiment de hussards de Haguenau (Bas-Rhin), des cavaliers spécialistes du renseignement. C’est à ce régiment qu’appartenaient le sergent Yvonne Huynh et le brigadier Loïc Risser, tombés il y a deux semaines lors de l’explosion de leur blindé sur un IED.