Royal Dutch Shell a annoncé jeudi la vente de ses actifs de Nouvelle-Zélande à l’autrichien OMV pour 578 millions de dollars (470 millions d’euros). Opération de deuxième ordre me direz-vous ! Et pourtant …. il pourrait bien s’agir au final d’une transaction aux importantes conséquences géopolitiques, passant certes presque inaperçue, par les temps actuels de vives tensions entre de nombreux gouvernements européens et la Russie sous une forte odeur de scandale et d’espionnage.
Mais, n’oublions pas que OMV constitue en quelques sorte le cheval de Troie de Poutine et du géant gazier russe Gazprom pour grignoter un peu plus chaque jour la sphère internationale du secteur des hydrocarbures. Plus facile et plus discret d’avancer sur l’échiquier énergétique mondial avec une casaque OMV aux couleurs autrichiennes qu’avec une casaque Gazprom aux couleurs russes, convenez-en …
Le géant pétrolier anglo-néerlandais Royal Dutch Shell a ainsi annoncé qu’il allait vendre des actifs – situés en amont – en Nouvelle-Zélande au pétrolier autrichien OMV pour un montant de 578 millions de dollars. La transaction, annoncée jeudi dans un communiqué par un responsable de Shell, porte sur des participations dans les champs gaziers de Maui et Pohokura. Elle intervient après la cession en 2017 de ses parts dans le champ de Kapuni, pour un montant non précisé.
Présent depuis 1911 en Nouvelle-Zélande, Shell a débuté en 2015 une revue de ses activités dans ce pays. Stratégie menée dans le cadre d’un plan visant à renforcer sa structure financière et à réduire sa dette.
“L’annonce d’aujourd’hui marque une nouvelle étape vers le remodelage et la simplification de notre groupe”, a déclaré à l’occasion de cette opération Maarten Wetselaar, directeur de la branche Integrated Gas & New Energies de Shell.
Shell a également tenu à préciser que cette cession faisait partie d’un programme de cession d’actifs de 30 milliards de dollars conduit sur trois ans depuis 2016, lancé à la suite de l’acquisition de BG Group en 2016 et qui doit s’achever fin 2018. Le groupe avait déjà annoncé des désinvestissements de 25 milliards de dollars dans ce cadre de son programme.
Le géant pétrolier a par ailleurs souligné qu’il espérait conclure la vente au quatrième trimestre de cette année, après le feu vert des autorités de régulation. Précisant également qu’après la finalisation de l’accord, les employés des filiales Shell Taranaki et Shell New Zealand rejoindront l’entité OMV New Zealand.
- Un pied dans une région stratégique pour OMV
Le PDG d’OMV, Rainer Seele, a souligné dans un communiqué que cette acquisition était un pas important “pour se développer en Océanie, et en faire une région centrale” pour l’activité du groupe conformément “à notre nouvelle stratégie”.
Remarque fort intéressante quand on connaît les relations étroites entre Gazprom et OMV. L’opération pourrait ainsi constituer une prise de choix pour le secteur énergétique russe, permettant d’asseoir sa présence dans la zone.
Alors que nous avons à plusieurs reprises laissé entendre ici-même que l’autrichien OMV pouvait être ni plus ni moins que le bras “armé” de Gazprom pour franchir plus discrètement les frontières européennes – l’Union européenne tentant de s’affranchir de sa dépendance en gaz russe – OMV a annoncé en juin 2017 le développement de son partenariat stratégique avec le géant gazier russe.
Lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, les deux groupes ont en effet signé un protocole d’accord en vue de coordonner les opérations de transport de gaz nécessaire à la fourniture de l’Europe centrale et du sud-est.
Les deux groupes ont également signé un accord dans le secteur du Gaz Naturel Liquéfié (GNL), qui permettra de réaliser des projets communs liés à un terminal de production sur la côte de la mer Noire.
- OMV, cheval de Troie de la Russie en Libye ?
Alors que nous laissons entendre que le groupe pétrolier autrichien OMV pourrait être le cheval de Troie guidé par la Russie pour pouvoir s’insérer chaque jour un peu plus sur le marché européen du gaz via notamment la plate-forme – autrichienne – de transit gazier de Baumgartner, OMV semble depuis quelques mois affublé d’un nouveau rôle, sa méconnaissance du grand public lui permettant de grignoter plus discrètement que Gazprom les ressources pétrolières du monde entier.
C’est ainsi que la compagnie pétrolière vient de relancer en février 2017 sa production pétrolière en Libye, arguant de l’amélioration de la situation politique pour ce faire. Le pétro-gazier autrichien a ainsi augmenté sa participation dans quatre accords de partage de production et d’exploration dans le bassin de Syrte ( fief de Daesh …. ) signant parallèlement un accord en vue de renforcer son partenariat avec la société d’Etat du pétrole (NOC).
Grâce au renforcement de ses actifs libyens et la mise en production récente des champs pétroliers de Syrte et Sharara, OMV envisageait alors de faire passer sa production pétrolière de 3 000 b/j au dernier trimestre de 2016 à 10 000 b/j en moyenne avant la fin 2017. Rainer Seele, le PDG de l’entreprise avait toutefois conditionné ce développement à la pérennité de la situation sécuritaire actuelle. L’objectif à moyen terme du groupe est de porter sa production libyenne à 50 000 b/j.
«OMV a été un partenaire fiable de la NOC durant les temps difficiles que nous avons connu. Nous sommes satisfaits de son engagement à continuer à investir dans notre pays », s’est réjoui à cette occasion Mustafa Sanalla, le patron de la NOC.
- OMV et Gazprom : partenaires stratégiques sur le marché européen
Pour rappel, OMV est une régie autrichienne de gestion du pétrole et compagnie pétrolière privée, fondée en 1956, ayant son siège à Vienne … tout comme l’Opep. La compagnie qui achète 6,5 milliards de mètres cubes de gaz par an au géant pétrolier russe Gazprom, fait partie des rares compagnies européennes autorisées à revendre le gaz russe hors de son marché domestique.
Fin janvier 2017, Manfred Leitner, membre du Conseil de direction d’OMV avait déclaré dans la presse russe : « Notre compagnie a créé un partenariat très solide avec nos partenaires russes en matière de pétrole et de gaz. Ce partenariat fonctionne infailliblement depuis déjà presque 50 ans et le gouvernement autrichien comprend son importance. Le partenariat avec la Russie est un élément clé pour assurer la sécurité de la livraison du gaz. L’Europe doit revoir sa position à l’encontre de la Russie d’un point de vue géopolitique », avait-il conclu.
Rappelons enfin qu’en décembre 2009, le groupe d’hydrocarbures autrichien, premier groupe gazier et pétrolier d’Europe centrale, et la Bourse de Vienne ont créé une « Bourse du gaz ». Son ambition d’alors ? Devenir numéro un en Europe continentale …. en partenariat avec le géant gazier russe Gazprom. Comment ? via la plate-forme de Baumgarten qui permet – notamment – d’assurer la livraison du gaz russe à l’Europe occidentale, disposant ainsi d’une position stratégique au coeur de l’Europe centrale.
Sources : AFP, Reuters, Shell, Agenceecofin, Sputniknews
Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 17 mars 2018 –
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