Taxe carbone: les mesures sociales sont insuffisantes

En renchérissant le prix des énergies fossiles, la taxe carbone frappe le porte-monnaie. Lorsque le prix du pétrole est en baisse, le prélèvement est indolore pour le citoyen. C’est ce qui s’est passé entre 2014, année d’introduction de la taxe en France, et 2017. Quand Nicolas Hulot proposait d’accélérer la hausse de la fiscalité énergétique à l’été 2017, le baril de pétrole cotait à un peu plus de 40 dollars. Mais, lors de la présentation du budget par fin septembre 2018, il était au-dessus de 80 dollars. Un choc auquel se sont ajoutés quelques centimes de taxe écologique. Les centimes de trop qui ont provoqué la révolte des “gilets jaunes“. Une révolte que n’a pas désamorcée la baisse récente du baril.

Si les énergies destinées au chauffage ont le plus augmenté, c’est sur les carburants que se cristallise le mécontentement, notamment le diesel qui supporte, en plus de relèvement de la taxe carbone, un rattrapage sur l’essence. Le bonus-malus, introduit après le Grenelle de l’environnement, favorisait l’achat de voitures diesel moins émettrices de CO². Une famille ayant acheté un diesel se retrouve donc aujourd’hui avec un véhicule dont le coût d’usage augmente rapidement et la valeur de revente s’effondre. On comprend son mécontentement !

Cibler les territoires vulnérables

La taxation des énergies fossiles pèse en proportion plus sur les ménages pauvres, et, pour les carburants, de plus en plus lourdement à mesure qu’on s’éloigne des centres-villes. Sans accompagnement ciblé, elle fait de l’anti-redistribution. A moyen et long terme, l’antidote est l’accès à l’énergie décarbonée pour tous. Les aides publiques y contribueraient mieux si elles étaient ciblées vers les ménages et territoires les plus vulnérables. A court-terme, l’amélioration du “chèque énergie” permettra d’amortir l’impact du relèvement des taxes sur les énergies de chauffage. Mais il n’y a pas d’amortisseur comparable ciblant la mobilité puisque ce “chèque” ne couvre pas les carburants. Quant à l’annonce d’un mécanisme amortisseur en cas de hausse rapide du prix du pétrole, il ne s’appliquera pas d’ici le prochain relèvement de la taxe puisque le cours du baril est en chute libre.

En absence d’amortisseur, le risque est que l’on renonce à la montée en régime de la taxe carbone, ce que réclame l’opposition de droite comme de gauche. Un recul en forme de démission après trois ans de hausse de nos émissions de gaz à effet de serre, qui nous éloignerait encore de l’objectif affiché de lutte contre le réchauffement du climat. Qui en seront les premières victimes ? Les ménages aujourd’hui les plus vulnérables à la hausse du prix des énergies fossiles. Ceux-là mêmes qui alimentent la fronde des “gilets jaunes” !

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