Atos et son PDG Thierry Breton en rêvaient. Thales et son patron Patrice Caine sont en train de la faire. Le géant français de l’aéronautique, de la défense et de la sécurité (14,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires) vient de frapper un grand coup en déposant une offre sur le champion de la sécurité numérique Gemalto, acceptée par son conseil d’administration. Thales propose 51 euros par actions, soit cinq euros de plus que l’offre d’Atos, Gemalto se retrouve ainsi valorisé à 4,6 milliards d’euros environ, avec une offre de Thales déposée à 100% en numéraire, et financée grâce à la trésorerie du groupe et un financement bancaire dédié de 4 milliards d’euros. La proposition a convaincu le conseil d’administration de Gemalto, qui a annoncé soutenir l’offre à l’unanimité. “L’acquisition de Gemalto marque une étape clé dans la mise en oeuvre de la stratégie de Thales, assure Patrice Caine dans le communiqué. Notre projet bénéficiera à l’innovation et à l’emploi tout en respectant les enjeux de souveraineté liés aux technologies stratégiques.”
De fait, ce sont bien deux poids lourds français de la sécurité numérique qui s’allient. Ces trois dernières années, Thales a investi plus de 1 milliard d’euros dans la connectivité, la cybersécurité, le big data et l’intelligence artificielle, rachetant les spécialistes Sysgo, Vormetric et Guavus. Le groupe français a aussi inauguré mi-octobre dans le centre de Paris une “digital factory” de 150 experts dédiée à ces activités, un investissement à 150 millions d’euros. Gemalto, bien au-delà des cartes à puces qui ont fait sa célébrité, est un leader mondial de la sécurité numérique, avec un chiffre d’affaires 2016 de 3,1 milliards d’euros et un large portefeuille de technologies (logiciels sécurisés, biométrie, chiffrement…).
Top 3 mondial
L’activité numérique du nouveau groupe devrait ainsi atteindre 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et se classer dans le top 3 mondial de la spécialité. Le groupe fusionné atteindrait 18 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 79.000 salariés. Dans le détail, Thales apporte ses activités numériques à Gemalto, qui continuera à opérer sous son propre nom et sous la direction de son patron actuel Philippe Vallée. Gemalto sera ainsi une des sept activités mondiales de Thales (systèmes de mission de défense, avionique, espace, transport, communications sécurisées, systèmes terrestres et aériens). Thales et Gemalto visent notamment les marchés gouvernementaux, les opérateurs d’infrastructures vitales (banques, opérateurs télécom, les administrations, les entreprises de service public et l’industrie), ou encore le secteur des objets connectés.
Le nouveau champion français fusionné, indiquent les deux sociétés, sera une redoutable machine de guerre R&D, avec plus de 28 000 ingénieurs, 3 000 chercheurs et plus de 1 milliard d’euros de R&D autofinancée par an. Thales indique que “les employés concernés par le plan social lancé récemment par Gemalto bénéficient d’un accès aux bourses de l’emploi et au programme de mobilité interne de Thales, et ceci aux mêmes conditions que les employés de Thales”. Le groupe s’engage aussi “à préserver l’emploi dans les activités françaises de Gemalto au moins jusqu’à fin 2019”. Les synergies annuelles sont estimées entre 100 et 150 millions d’euros à partir de 2021.
Atos va-t-il surenchérir ?
Les jeux sont-ils faits face à Atos, l’autre candidat déclaré au rachat de Gemalto? Pas encore tout à fait. Thales et Gemalto peuvent résilier l’accord de rapprochement si un tiers, Atos par exemple, fait une offre supérieure d’au moins 9% à celle de Thales, et si le conseil d’administration la considère “significativement plus favorable”. Mais selon les termes de l’accord, Thales , s’il décide de s’aligner, empêcherait Gemalto de dénoncer l’accord annoncé aujourd’hui. Si aucune offre supérieure n’est émise, Thales et Gemalto envisagent un bouclage de l’opération au second semestre 2018.