Transdev candidat malheureux à la ligne CDG Express

Prêt à tout ? En déposant plainte le 7 novembre contre Keolis (filiale de la SNCF) et RATP Dev devant l’Autorité de la concurrence sur l’appel d’offres du CDG Express, Transdev avait créé la surprise. Le groupe de transports urbains soupçonnait le ” duopole “ de vouloir décourager l’entrée de concurrents à l’heure de l’ouverture du marché ferroviaire français. Mais le gouvernement a tranché : la future liaison ferroviaire entre l’aéroport de Roissy et la gare de l’Est ne sera pas pour lui. C’est l’offre finale du duo Keolis-RATP Dev qui a été “classée en première position” selon un document officiel. Un contretemps qui n’altère cependant pas les ambitions de Transdev et son nouvel actionnaire, le groupe allemand Rethmann.

« Nous sommes en train de créer un Airbus du transport de personnes », lançait il y a peu Ludger Rethmann, le patron du groupe familial qui remplace depuis octobre Veolia au capital de Transdev. Une assertion certes ambitieuse, mais qui résume l’état d’esprit des nouveaux actionnaires, qui veulent faire du challenger de la SNCF un champion européen de la mobilité. « Rethmann est un vrai industriel, renchérit Thierry Mallet, le PDG de Transdev depuis 2016. Avec lui, nous allons pouvoir réaliser des synergies commerciales, développer des projets technologiques communs dans le véhicule autonome et les solutions numériques mais aussi accélérer à l’international. »

Dette fortement réduite

Peu connu du grand public, même s’il transporte 10 millions de personnes par jour en France et ailleurs, Transdev gère pour le compte de collectivités des bus (Reims, Amsterdam…), des ferries (Australie), des cars, des tramways (par exemple au Havre), des métros (Bombay, Ile-de-France avec le CDGVal…) ou encore des trains (Allemagne, notamment). En 2017, il affichait un chiffre d’affaires en léger recul, à 6,6 milliards d’euros, mais un bénéfice net en hausse de 15 %. Surtout, il a fortement réduit son endettement, à 528 millions d’euros, contre près de 2 milliards en 2012.

La méthode pour en arriver là ? « Productivité et rentabilité, martèle Thierry Mallet. Notre objectif est de fournir à nos clients un niveau élevé de performance – qualité de service, fiabilité au meilleur coût, explique cet X-Ponts, également diplômé du MIT. Nous travaillons en particulier sur la simplification des processus. Par exemple, nos conducteurs de bus et de trains disposent désormais d’une application sur smartphone qui leur permet de prendre leur tournée sans avoir à pointer au bureau. »

Investir dans la tech

Transdev possède des bastions dans de nombreuses villes françaises, dont Le Havre, où l’entreprise a renouvelé un contrat qu’elle détient depuis cent ans, mais aussi aux Etats-Unis et aux Pays-Bas, où elle est un pionnier des nouvelles mobilités : bus électriques et transport à la demande. Surtout, à l’instar de la SNCF qui se veut désormais un intégrateur de mobilité, Transdev investit dans des plateformes technologiques permettant de combiner du transport ferroviaire avec des bus, des vélos ou des VTC, sans parler des trottinettes électriques et autres « mobilités douces ».

« Nous sommes entrés à hauteur de 15 % dans le capital de la start-up finlandaise MaaS Global, au côté de Toyota Financial Service ou de l’équipementier japonais Denso », explique Xavier Aymonod, en charge de la stratégie et de l’innovation du groupe. A Helsinki, grâce à l’application Whim, les usagers payent leur transport en fonction de leur consommation, en utilisant des opérateurs publics ou privés, le tout en une seule facture à la fin du mois.

En France, on n’en est pas encore là. Mais l’opérateur, qui investit de 25 à 30 millions d’euros par an dans les nouvelles technologies, teste depuis septembre avec l’agglomération de Mulhouse une plateforme un peu similaire. « Elle intègre pour l’instant les parkings Citivia et Indigo, les vélos (Vélocité) et voitures en libre-service (Citiz), la location de vélos (Médiacycles) et les transports publics. A terme, il y aura aussi probablement les trains et les taxis », promet le directeur de la stratégie. Mais il faudra attendre deux à trois ans pour que cette offre soit profitable, car les coûts opérationnels atteignent de 800 000 à 1 million d’euros par mois.

Développer la France

C’est surtout sur un autre terrain que Transdev pourrait être un sérieux concurrent pour la SNCF : le rail. Même si le train ne pèse que 11 % de son chiffre d’affaires, soit 700 millions d’euros, l’opérateur urbain compte s’appuyer sur son expérience en Allemagne pour se positionner sur les futurs appels d’offres dans l’Hexagone, lors de l’ouverture à la concurrence des TER, dès la fin 2019, et des Transiliens, à partir de 2023. Dans ce sens, le contrat d’exploitation du RER de Hanovre, que le groupe a remporté le 7 novembre contre la Deutsche Bahn (DB), pour plus de 1,5 milliard d’euros sur douze ans, tombe au mieux. « En Allemagne, où nous sommes le premier opérateur privé de trains régionaux, le coût de l’exploitation atteint 9 euros du train-kilomètre, hors péage, contre 18 euros en France, précise Thierry Mallet. Nous exploitons une ligne dans la région de Düsseldorf. Quand nous l’avons reprise à la Deutsche Bahn, en 1999, elle était fréquentée par 500 passagers par jour, aujourd’hui, c’est plus de 23 000. »

Reste qu’il faudra être pugnace au moment des appels d’offres. Le bilan dans le transport urbain en France, l’an dernier, est de ce point de vue un peu décevant. Transdev a essuyé deux échecs en essayant d’arracher Lille et Caen à Keolis. « Ils sont aussi obligés de réduire la voilure dans les activités d’autocars longue distance Isilines, face à l’offensive des TGV low cost Ouigo de la SNCF », pointe par ailleurs un expert du secteur.

D’où l’importance du contrat du CDG Express, attendu initialement le 15 novembre. Transdev a joué son va-tout en tentant de faire reporter la décision. Mais l’Etat n’a même pas attendu la réponse de l’Autorité de la concurrence pour désigner Keolis et RATP Dev. Le calendrier serait devenu trop serré. La ligne doit fonctionner pour les Jeux olympiques de 2024.

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