Alors que le pape Benoît XVI vient d’annoncer qu’il allait donner sa démission – chose qui ne s’était jamais vue jusqu’à présent en ce qui concerne les plus hautes instances de l’Eglise – l’Allemand Ernst von Freyberg, un avocat membre de l’Ordre de Malte, a été nommé vendredi à la tête de l’IOR, la banque du Vatican.
Simple hasard de calendrier ? Suspectant même que la retraite du pape soit tant due à son âge canonique … qu’aux scandales entourant la banque du Vatican. De là à ce que la « décision » du pape soit liée à cette nomination …
En tout état de cause, rappelons que l’établissement financier était privée de président depuis le limogeage d’Ettore Gotti Tedeschi en mai 2012.
Si l’on en croit le communiqué, la décision a été prise par la Commission cardinalice de surveillance de l’Institut pour les affaires religieuses (IOR) « à l’issue d’une profonde évaluation et d’une série d’entretiens qui ont duré plusieurs mois ».
Le porte-parole du Saint-Siège a par ailleurs tenu à préciser que le pape avait clairement donné son assentiment sur cette nomination, alors même que sa démission devrait être officiellement rendue en fin de mois.
Alors que pour la nouvelle année, nous appelions ici-même pour que 2013 permette un retour à un juste équilibre entre finance et humanité, le pape lui-même nous emboîtait le pas.
Lors de la messe de Nouvel An à Saint-Pierre de Rome, Benoît XVI avait ainsi condamné les inégalités entre riches et pauvres, ainsi que « le capitalisme financier non réglementé » . Sous-entendu le capitalisme à outrance qui ne respecte plus l’humain, et la course à l’argent pour l’argent et non la satisfaction des besoins des peuples et populations.
Le pape avait par ailleurs évoqué des « foyers de tension et de confrontation provoqués par l’inégalité croissante entre riches et pauvres, et de la prédominance de la mentalité égoïste et individualiste, qui est également l’une des manifestations du capitalisme financier non réglementé« .
Des propos qui intervenaient alors qu’une crise liée au monde de la finance fait actuellement trembler les murs du Vatican …
En effet, si en juillet dernier, la banque du Vatican a certes obtenu la moyenne à l’examen qu’elle a elle-même demandé en vue d’être certifiée comme un établissement ne pratiquant pas le blanchiment d’argent sale, les experts de l’institut de contrôle européen, Moneyval, qui ont contrôlé l’Institut pour les œuvres de religion (IOR) – véritable nom de l’établissement – ont appelé à de nouvelles réformes techniques pour éviter tout risque de transit d’argent suspect. Lesquelles devraient être mises en place dans les mois qui viennent.
Après un autre contrôle, Moneyval formulera en juillet 2013 un avis qui pourra être définitif. Il souhaite notamment que cet établissement soit «supervisé de façon indépendante», car il doute que l’autorité de contrôle interne – l’autorité d’information financière (AIF), créée en décembre 2010 à la demande de Benoît XVI – ait suffisamment de pouvoir pour assurer la maîtrise de toutes les opérations et tout particulièrement … des inspections.
Après avoir exigé que la banque du Vatican devienne un établissement «irréprochable», Benoît XVI a recruté il y a moins de trois ans, un banquier extérieur, Ettore Gotti Tedeschi, en vue de réformer l’établissement.
Mais ce dernier a été limogé en mai dernier, à la suite du débat sur le principe même de la transparence de cette banque. Le banquier a dû en effet faire face à de fortes oppositions au sein du Vatican, certains craignant pour la souveraineté et l’indépendance du Saint-Siège …
Précisons par ailleurs, que début janvier, l’Italie avait bloqué l’usage de cartes de débit et de crédit au Vatican. Raisons invoquées : le manque de transparence financière. Les autorisations nécessaires pour effectuer ce type d’opérations ayant été refusées par la Banque d’Italie à la branche italienne de la Deutsche Bank, l’ancien fournisseur de services de paiement électronique du Vatican, estimant que les contrôles en matière de blanchiment d’argent étaient défaillants.
En effet, neuf des seize principales normes internationales de lutte contre le blanchiment d’argent seraient respectées par la Banque du Vatican. Laquelle gère tout de même 6,3 milliards d’euros et un peu plus de 33.000 comptes. Parmi lesquels figurent ceux des prêtres, religieuses, conférences épiscopales, fondations et ministères répartis dans le monde entier.
Au final, les paiements par carte bancaire au Vatican n’auront repris que le 12 février dernier, après une interruption de six semaines … et un jour après l’annonce de la prochaine démission de Benoit XVI.
Quelques jours auparavant, démentant des informations parues dans la presse italienne, le porte-parole du Vatican avait affirmé que l’IOR n’était pas impliqué dans le rachat en 2007 d’Antonveneta par Monte dei Paschi di Siena.
Et ce, alors que le Corriere della Sera avait au contraire laissé entendre que l’administrateur délégué de l’IOR avait participé à des réunions « sensibles et importantes » avec Monte dei Paschi, lors du rachat d’Antonveneta, dossier au centre d’une affaire de corruption.
Rappelons en effet que Monte dei Paschi avait versé plus de neuf milliards d’euros à Banco Santander pour s’emparer d’Antoveneta, quelques semaines à peine après l’avoir rachetée pour 6,6 milliards. Chose qui intrigue actuellement la justice italienne, laquelle tente de déterminer s’il y a eu ou non versement de pots-de-vin.
Sources : AFP, Reuters