Si l’on en croit le groupe français de construction navale, DCNS, les nouvelles séries de sanctions adoptées en milieu de semaine par les Etats-Unis contre Moscou, ne devraient pas empêcher la construction et la livraison des Mistral à la Russie.
C’est en effet ce qu’ a déclaré mercredi à RIA Novosti le porte-parole du groupe Emmanuel Gaudez.
« Le premier bateau est en fin de construction, le deuxième est à peu près à la moitié, et comme tout industriel normal nous nous occupons déjà de satisfaire notre client et d’exécuter au mieux le contrat », a ainsi indiqué le porte-parole.
Des propos qui interviennent alors que mercredi, Washington a adopté une nouvelle série de sanctions contre Moscou, en raison de sa politique menée en Ukraine. Une décision qui impacte directement trois grandes banques russes et le Groupe unifié de construction navale (OSK).
Le Département d’Etat américain a quant à lui préalablement qualifié d’inacceptable la livraison ne fût-ce que d’un seul Mistral à la Russie suite à la situation en Ukraine.
Le 23 juillet dernier, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a déclaré sur la chaîne de TF1 que la livraison de deux BPC de classe Mistral à la Russie ne sera pas remise en cause.
« C’est un contrat signé en 2011. C’était un autre gouvernement, mais peu importe. Il y a une règle qui vaut en matière internationale comme en matière nationale: les contrats signés et d’ailleurs payés doivent être honorés », a indiqué le chef de la diplomatie française.
En mai dernier, à quelques jours d’une visite officielle aux Etats-Unis du ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, Washington s’était inquiété du contrat passé entre Paris et Moscou pour la vente de navires militaires de type Mistral. Le tout sous fond de crise ukrainienne … et d’âpres négociations entre le géant US General Electric et le français Alstom.
« Nous avons de manière régulière et constante exprimé nos inquiétudes à propos de cette vente » et « nous continuerons de le faire », avait alors déclaré la secrétaire d’Etat adjointe pour l’Europe, Victoria Nuland.
Rappelons à cet égard que si un contrat de 1,2 milliard d’euros, signé en 2011, prévoit la livraison par la France à la Russie de deux navires de guerre de type Mistral, son exécution est remise en cause par l’annexion de facto de la Crimée par la Russie et les sanctions adoptées en représailles par les Occidentaux.
Selon les termes de l’accord, les chantiers navals français de Saint-Nazaire devraient livrer la le premier bâtiment, le Vladivostok, en octobre prochain. Le second navire, le Sébastopol, destiné à la Flotte russe de la mer Noire, a une date de livraison prévue fixée à fin 2015.
– La décision concernant une possible annulation repoussée jusqu’à présent en octobre –
Fin mars, Laurent Fabius avait déclaré que Paris pourrait annuler le contrat en l’absence de changement politique de Moscou vis à vis de Kiev. Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait par la suite reporté la décision du gouvernement français au mois d’octobre, date de livraison prévue du premier bâtiment.
En retour, Moscou avait averti Paris qu’elle ferait « valoir ses droits jusqu’au bout en cas de rupture des accords passés », et exigerait notamment « la compensation de tous les préjudices qu’elle pourrait subir ».
– Une rupture douloureuse voire dangereuse pour l’industrie française –
Le vice-ministre russe de la Défense, Iouri Borissov, avait alors rappelé que des pénalités étaient prévues en cas de rupture du contrat, sans toutefois en citer le montant. Il avait également estimé que la rupture du contrat porterait atteinte à la réputation de la France « face à la communauté internationale ».
« Alors que la France devenue une puissance moyenne peine de plus en plus à exporter ses armements pourtant très performants pour des raisons géostratégiques, que vont penser les pays clients de l’industrie d’armement français en voyant la France rompre son engagement avec la Russie ? » avait-il indiqué.
Il est vrai qu’une décision de cet ordre éliminerait tout espoir de nouvelle signature de contrat entre Paris et Moscou, bloquant de facto l’accès à son immense programme de réarmement naval (civil et militaire), estimé à plus de 50 milliards de dollars. Une aubaine en quelque sorte pour les concurrents de l’industrie française …
Rappelons également que le contrat portant sur la vente de deux BPC (Bâtiment de projection et de commandement) à la marine russe revêt un enjeu crucial tant DCNS que pour STX France, à Saint-Nazaire … basé dans la circonscription de l’ancien Premier ministre, Jean-Marc Ayrault.
Les « mésaventures » russes pourraient quant à elles refroidir quelques acquéreurs potentiels alors que Dassault tente désespérément d’obtenir une référence pour son Rafale à l’international et que les négociations en vue de la vente de 126 appareils à l’Inde sont actuellement en cours. Le tout pour un montant de 12 milliards d’euros. Pourraient également se retrouver sur la sellette plusieurs contrats en voie d’aboutir avec le Liban via un financement de l’Arabie Saoudite pour 3 milliards de dollars, tandis que les Emirats arabes unis envisagent d’acquérir deux satellites espions …
Sources : Ria Novosti, AFP
Elisabeth STUDER – www.leblogfinance.com – 30 juillet 2014
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